Cela ira-t-il jusqu'à une procédure de destitution ? Après que Donald Trump ait limogé le précédent directeur du FBI, James Comey, fait le ménage dans l'administration de la justice, révélé des sources confidentielles à la Russie, un procureur spécial a été nommé. Il s'agit de Robert Mueller, qui fut directeur du FBI de 2001 à 2013. Il n'est pas seulement chargé d'enquêter sur le rôle de la Russie dans l'élection de Trump mais sur "les efforts du gouvernement russe pour l'influencer" ainsi que "les sujets liés". Le procureur général-adjoint, l'ex-général Rod Rosenstein a accepté les exigences des démocrates et de divers républicains et procédé à cette nomination.
Il a déclaré que cela ne signifiait pas "que des délits ont été commis ou que des poursuites sont nécessaires" mais qu'une enquête indépendante de son ministère soit menée. Si le terme de Russiangate n'est pas déjà employé par la presse étasunienne, les références aux Watergate sont nombreuses.
À la solde des Russes ?
Cette nomination intervient alors que le républicain Kevin McCarthy, en juin 2016, avait déclaré à des collègues de son parti qu'il pensait que Trump "était payé par Poutine". Le nom du député Dana Roharabacher avait été aussi évoqué. C'était le lendemain de la révélation du piratage informatique du siège de la campagne des démocrates. Le procureur spécial non seulement procédera à des entretiens et confrontations mais il aura aussi accès aux documents, dont des enregistrements, du FBI et de la Maison blanche, qui seront aussi examinés par des commissions du Congrès.
Après le limogeage du directeur du FBI, James B. Comey, il avait été fait état d'une note confidentielle. Trump remerciait de ne pas faire l'objet d'une enquête et suggérait que celle visant l'un de ses collaborateurs, Michael T. Flynn, soit abandonnée. Le sénateur John McCain a comparé, sur CBS, la situation au Watergate, qui s'était soldée par la démission du président Nixon.
La Maison blanche, et les interlocuteurs russes, ont dû ensuite démentir que Trump ait révélé à l'ambassadeur et au ministre des Affaires étrangères russes qu'une information sur des tentatives d'attentats de Daesh provenait d'un informateur des services israéliens en Syrie. Mais Trump lui-même a revendiqué avoir divulgué des informations classifiées hautement confidentielles pour des raisons humanitaires (prévenir des attentats visant des avions de ligne).
La présidence a la prérogative de déclassifier de telles informations. Trump a aussi confirmé qu'il avait fait part de son intention de limoger le directeur du FBI. Théoriquement, ce dernier est condamné au silence, mais la nomination d'un procureur spécial change la donne. Divers juristes et universitaires ont publié des tribunes dans la presse évoquant la destitution du président, et ce sur la base principale d'une entrave à l'exercice de la justice (Trump avait menacé Comey s'il divulguait quoi que ce soit). Il reviendra au procureur spécial, en abordant "tous sujets liés", de se prononcer. Mais il devra rendre compte de son enquête après sa clôture à la Maison blanche… Trump avait aussi intimé à Comey de faire emprisonner les journalistes livrant au public des informations confidentielles, une mesure largement utilisée dans la Turquie d'Erdogan.
Mueller est le prédécesseur de Comey, mais était entré en fonction sous présidence Bush et maintenu à son poste par Obama. Quels que soient les résultats de l'enquête, en l'état de la législation, Trump pourrait aussi mettre fin aux fonctions de Mueller. Les dispositions instaurant de telles fonctions remontent à la période du Watergate mais furent révoquées en 1999. Il faudrait que le Congrès décide de les remettre en vigueur. La présidence pourrait opposer son veto mais le Congrès pourrait avoir le dernier mot. Donald Trump, avait, au cours de sa campagne, largement fait état de sa sympathie pour la Russie, avait réfuté toute relation spéciale avec le Kremlin, notamment après la divulgation d'un rapport confidentiel – aux assertions incertaines – faisant état de ses faits et gestes lors de voyages en Russie.