Florian Philippot passe mal au Front National, et il est fragilisé tant de l'intérieur que par ces supposés compagnons de route FN que sont Éric Zemmour et Robert Ménard. Lesquels lui imputent le résultat estimé médiocre de Marine Le Pen au second tour de la législative. En cause, le programme économique défendu par Florian Philippot dont la présumée réussite repose sur une sortie de l'euro (partielle, totale ? comme si les autres pays de la zone allaient accepter un retrait partiel…). Pour de nombreux partisans (voire opposants plus ou moins discrets) de Marine Le Pen, l'influence de Philippot est beaucoup trop forte et sa ligne s'éloignant des fondamentaux, allant contre l'attachement des Français à l'euro, serait néfaste.

Il a donc senti un vent mauvais et créé Les Patriotes, une association visant à promouvoir "une transformation profonde" du FN. Ce en vue d'un élargissement de l'électorat frontiste. Sophie Montel, et Frank de Lapersonne ainsi qu'Éric Richermoz, l'appuient, mais aussi, et c'est insolite, Maxime Thiebaut, venu de Debout la France. Cela marque l'orientation eurosceptique de ces Patriotes. Florian Philippot veut que la sortie de l'euro continue à être le ciment préalable conditionnant le programme économique du Front national.

Damien Philippot dans l'Aisne

Son frère, Damien Philippot, a obtenu l'investiture pour une circonscription axonaise, à priori gagnable puisque Marine Le Pen (avec près de 53%) y est arrivée en tête.

Il affrontera Christophe Coulon, vice-président régional, un proche de Xavier Bertrand. Marine Le Pen a aussi investi Philippe Olivier, son beau-frère, à Calais dans une circonscription où elle a recueilli 57% des suffrages. L'alliance dite Union des patriotes, que soutiennent Jean-Marie Le Pen, Carl Lang et Alain Escada et Karim Ouchikh, pourraient présenter des candidats contre eux.

Voire contre elle-même, MLP, si elle finit par se présenter à Hénin-Beaumont. Très nombreux ont été les cadres du FN – dont Louis Aliot, compagnon de MLP – à taper sur les Philippot et leur association Les Patriotes. En revanche, Marine Le Pen a enregistré le soutien d'Alain Soral, d'Égalité et réconciliation, qui désigne Zemmour "sioniste de droite", et l'accuse d'agiter la question de l'euro car cela "permet de ne pas faire remonter les responsabilités vers les musulmans, mais vers les juifs" (et la "franc-maçonnerie juive mondiale").

Pour que "Marine" ait pu l'emporter, "il aurait fallu qu'elle appelle, non pas NDA [Nicolas Dupont-Aignan], mais Mélenchon comme Premier ministre". En fait, la grande préoccupation, c'est de gagner des voix. Et pour Emmanuel Négrier, du CNRS, s'exprimant dans L'Humanité, "ce que craint le Front national, c'est le duel, avec un candidat de droite en particulier, car l'électorat de gauche a plus volontiers le réflexe républicain de voter pour l'opposant au FN". Est-ce vraiment encore le cas ? Une partie de l'électorat de gauche s'est abstenue ou à voté nul pour affaiblir La République en marche. En sera-t-il de même au second tour des législatives ? Peut-être. Car l'attention se porte aussi sur les financements des partis.

Une voix, si, en métropole, une formation dépasse le seuil d'un pour cent des exprimés pour elle dans 50 circonscriptions, vaut 1,42 euro par an. Cela explique aussi la moyenne du nombre des candidats : plus de dix. Le parti 'Le Trèfle-Les Nouveaux Écologistes', perçoit ainsi 92 000 euros annuels, théoriquement pour défendre la cause animale. S'abstenir aux législatives, c'est aussi priver des partis adverses (à priori FN et LR-UDI, voire LREM, pour l'électorat de gauche) de financements. Certes, laisser passer un FN, c'est aussi abonder les caisses du Front de 37 443€/an. Mais pour divers, à gauche, que cette manne aille au FN ou à LR-UDI est devenu indifférent (sauf peut-être si le candidat LR-UDI avait lâché vraiment François Fillon, n'est pas acoquiné avec Sens commun, défend la laïcité, &c.).

Faute de pomper des voix à droite (chez les fillonistes) et à gauche (plus difficile), le FN a tout intérêt à se concilier l'abstention de gauche en cas de duel face à un LR-UDI ou un La République en marche. Aussi, en cas de triangulaire ou quadrangulaire, on comprend pourquoi, même sûr d'être battu, un candidat peut être incité à se maintenir. Le "front républicain" risque fort d'être malmené en juin…