Dire que Donald Trump s’est mis à dos la presse nord-américaine avec ses ‘’faits alternatifs’’ confine à la faible litote, à l’understatement outrancier. Le Trump bashing est-il productif, contre-productif ? L’électorat démocrate est-il en train de surenchérir, de vouloir employer les moyens de l’adversaire et justifier ses fins ? Les exagérations suscitent-elles la surenchère ? Dernière en date sur Donald Trump, l’appréciation de l’acteur Jack Black : Donald Trump lui évoque Charlie Sheen ayant fumé du crack. Les journaux et hebdomadaires, après l’annonce que la présidence communiquera des faits alternatifs, recensent toutes les exagérations de Trump, y compris les vénielles.
Ainsi de cette galéjade (une tartarinade de plus) du Donald se vantant d’avoir fait ‘’14 ou 15 fois’’ la couverture du magazine Time, ‘’un record qui ne sera jamais égalé’’. Le fact checking oblige (mais est-ce vraiment une ardente obligation ?) à rectifier : Donald Trump a figuré 11 fois en couverture de Time, Richard Nixon… 55 fois. En réalité, le ‘’fait alternatif’’ est peut-être qu’au terme de ses quatre ans, Donald Trump explosera le record de Nixon…
Traiter l’agent Trump
Comment traiter l’agent Trump ? Comment officier, ambiancer The Donald ? Comment se faire entendre tant des trumpistes que de ses plus acharnés détracteurs ? Mission impossible ? Sauf à faire très faux-cul. Comme The New Yorker ?
L’excellente analyse médialogique d’André Gunthert, sur son site L’Image sociale, suscite l’interrogation. Comment rire de tout en bonne compagnie ? André Grunthert évoque ‘’le symptôme le plus apparent d’un mode de pensée résolument myope, qui se borne à peindre le nouveau président sous les traits du père Ubu’’. Lequel est celui d’une ‘’détestation viscérale’’.
Dont acte, ne pas l’éprouver serait inquiétant. Faut-il se borner à l’équilibre résumé par Woody Allen : ‘’un quart d’heure d’antenne pour Hitler, un quart d’heure pour les déportés’’ ? Les images sont présumées ‘’parler’’ d’elles-mêmes et les couvertures du New Yorker sont éloquentes. Nous sombrerions dans le ridicule en diabolisant The Donald.
Nous creuserions The Great Divide, le Grand Fossé qui sépare trumpistes étasuniens et étrangers (de plus en plus jouissifs, méprisant le ‘’jounalope gauchiasse’’ avec délectation) de qui tente de lire sereinement la presse. Conclusion : ‘’Trump n’est pas la cause de notre malheur, mais seulement un symptôme de notre incapacité à y remédier. Faute d’une sérieuse autocritique par les classes dirigeantes…’’. &c. C’est assimiler un peu hâtivement les rédactions au présumé Quatrième pouvoir et vouloir en faire les complices des classes dirigeantes. Idiots utiles, certes. Mais pas seulement, pas toujours, ni systématiquement. C’est là en fait un type de raisonnement trumpiste, partagé parfois par ses plus farouches adversaires.
Il est vrai que, sciemment ou beaucoup moins conscientes des conséquences, les rédactions ont beaucoup plus fait état d’Hillary Clinton que de Bernie Sanders. Puis, par la suite, sont tombées dans les travers d’un Donald Trump qu’on en arriverait à supposer avoir lu Guy Debord et maîtriser tous les mécanismes de la société spectaculaire marchande, non pas instinctivement, mais délibérément, froidement, en toute lucidité, sobriété, tempérance. The Donald ne serait aucunement narcissique, ne serait pas doté d’un pénis riquiqui qu’il gonfle démesurément lorsqu’il le décrit, serait encore plus sévèrement burné qu’un Bernard Tapie, et tout à fait objectif lorsqu’il se vante de posséder un formidable quotient intellectuel.
Nous nous serions laissés abuser, aveugler, en dépit de notre plein gré ? Les faits sont têtus, un Trump est un Trump. Pas si nocif au fond ? Ne méritant que de modestes et souriantes admonestations pour crédibiliser les louanges ? Devenir fonctionnaires du Ministry of Truth (Minitrue, lard ou cochon ?) garantirait nos emplois ? Traduire Trump en novlangue ? No, nay, never, no more. Keep calm and carry on.