‘’Il faut laisser du temps au temps’’, disait François Mitterrand. Si la sortie du Royaume-Uni peut paraître réjouissante, la fin de sa contribution au budget de l’Union européenne et la menace brandie de transformer le royaume en paradis fiscal tempère quelque peu ce sentiment. On verra si Écosse, Irlande du Nord et Pays de Galles pourront ou non jeter des amarres vers le continent, laissant Angleterre et Cornouailles prendre le large, avant de réviser l’opinion initiale. Pour Donald Trump, les premières impressions exécrables devront peut-être valoir réexamen.

Mais cela vaut aussi pour les idolâtres du tandem conservateurs pro-Brexit et Ukip et de l’administration Trump. S’il ne parvient pas à forger une majorité solide au Congrès, il passera peu à peu pour ce qu’il semble, un matamore téméraire, un tartarin. Mais s’il fédère vraiment les républicains, et tient vraiment ses promesses, il risque de les financer par une dette colossale dont la facture devra être épongée par le reste du monde.

Projections désastreuses

Le bureau du Budget du Congrès (CBO) est une instance bipartisane. Le CBO estime que la dette publique des États-Unis devrait croître de 10 000 milliards d’USD jusqu’à 2027 (que Donald Trump soit ou non réélu), ce en l’état des engagements passés.

Mais les promesses de campagne du candidat Trump pourrait faire exploser ce montant. Donald Trump promet des baisses massives d’impôts et de taxes tout en injectant mille milliards dans des travaux d’infrastructure et des sommes considérables affectées au secteur militaro-industriel. Obama avait réduit les dépenses, mais pas au point de combler le déficit.

Donald Trump devrait certes créer de l’emploi, renforcer l’indépendance énergétique, mais cela semblerait ne pas devoir suffire à compenser le coût des catastrophes environnementales ni les dépenses de santé d’une population d’autant plus vieillissante qu’elle devrait décroître du fait des expulsions d’étrangers. Les projections, sans coupes dans les dépenses, pourraient passer à 89 % du PIB vers 2027.

Le, les successeurs de Donald Trump seront-ils contraints de renégocier la dette, en exigeant des abandons de créances, comme celles qui ont bénéficié à la Grèce ? Pour le moment, les seules coupes envisagées visent l’action culturelle (largement dépendante du mécénat), avec la suppression du Fonds national pour les arts. Gain envisagé : 0,025 % de la dépense fédérale. Une faible vapeur, même pas une goutte asséchée. Bob Corker (rép.) considère que le programme présidentiel est ‘’totalement irréaliste’’. La marge de manœuvre la plus évidente serait de ne pas remplacer l’Obamacare, de tailler dans les retraites… Or, Donald Trump a nommé Mick Mulvaney au Budget, et contrairement à ce que Donald Trump laissait entendre, il a indiqué qu’il ne sera guère possible de maintenir le niveau des prestations sociales.

‘’Je vais dire la vérité au président’’, a déclaré Mulvaney devant le Sénat. Il préconisera un accès plus tardif aux prestations médicales pour les retraités, et qu’il faudra réviser le dispositif Medicare. C’est du Fillon à l’américaine. Mais le futur ministre (si le Sénat le confirme) laisse aussi entendre qu’il conseillera la prudence en matière de baisses d’impositions. Il a semblé beaucoup plus sensible à la menace pendante d’une crise financière de grande ampleur que son président. Son détracteur le plus virulent a été John McCain (rép.), à propos du financement insuffisant des forces armées. Issu du mouvement Tea Party, Mulvaney avait voté plusieurs fois pour des réductions budgétaires et le retrait de l’Afghanistan.

L’examiné a eu quelques trous de mémoire. Un candidat sachant cacher la vérité au président sera-t-il finalement nommé au Budget ? La désignation de Mulvaney vise à remercier le mouvement Tea Party de son soutien. Mais confronté aux réalités, son représentant, siégeant au Congrès depuis quelques années, très opposé à Obama, semble songer qu'il lui faudra aussi rendre des comptes pour être réélu.