Hier soir, à Genève, le ministre turc des Affaires étrangères a clairement indiqué que Moscou et Ankara allaient inviter Washington à la conférence sur le règlement du conflit en Syrie, en la capitale kazakhe, Astana. On ne sait encore comment Damas et Téhéran et les Forces syriennes libres (FSL) seront aussi conviés à entériner ‘’une solution politique’’ dont les perdants seraient les Kurdes de Syrie. On ne sait de même si le cessez-le-feu, entaché par des attentats à Damas, perdurera jusqu’au 23 janvier, date d’ouverture de la conférence. Mais Turquie et Russie s’accordent sur le principe que ‘’ceux qui ont contribué ou qui devraient contribuer devraient être là, et pas seulement pour la photo de famille’’, a considéré le ministre, Mevlut Cavusoglu.

Ce qui inclut les États-Unis dont le Secrétaire d’État nommé par Donald Trump (mais non déjà approuvé par le Congrès), Rex Tillerson, ex-Pdg d’Exxon Mobil, firme qui traitait avec la Syrie et l’Iran (de 2003 à 2005, via sa filiale Infineum), se déclare favorable à un rapprochement avec l’axe Moscou-Ankara-Téhéran. Un accord à Astana impliquerait que les États-Unis lâchent les Kurdes syriens et leurs Unités de protection du peuple (YPG) qui assaillent Raqqa avec le soutien américain conjointement avec les Forces démocratiques syriennes sur un front, tandis que la Turquie (et la Russie) mène des attaques sur la ‘’capitale syrienne’’ du califat sur un autre.

SDF, YPG, ‘’terroristes’’ conjoints pour Ankara

La Turquie a deux revendications. Pouvoir mener une offensive sur Mossoul en Irak alors qu’elle dispose déjà d’une base et d’unités au nord de sa province de Ninive, à Bachiqa, avec l’assentiment de fait des Peshmergas du Kurdistan d’Irak. En cela, Ankara s’aliène Bagdad qui laisse se déployer les milices chiites irakiennes, appuyées par l’armée iranienne, à l’ouest de Mossoul (encerclant Tal Afar et coupant la retraite de Daesh vers Raqqa).

La Turquie veut se poser en défenseur des sunnites de Mossoul et participer aux négociations sur le futur statut de la ville. Ankara pourrait se retirer de cette base, à condition que la relève soit assurée par l’armée irakienne, et non pas les Peshmergas. Plus important, Ankara veut sécuriser sa frontière sud et que les YPG (et le PYD, l’Union démocratique kurde syrienne) soient éradiquées.

Or les YPG sont très fortement liés avec les SDF, les Forces démocratiques syriennes qui comportent aussi des éléments hostiles à Moscou. Ankara et Moscou considèrent parfois tant les SDF que les YPG comme des organisations terroristes. Mais à d’autres reprises, la distinction est faite entre les éléments ‘’arabes’’ (non tchétchènes par exemple) des SDF et les autres (dont les Kurdes). Jusqu’à présent, et l’actuel vice-ministre de la Défense américain l’a réaffirmé, les États-Unis ne veulent pas lâcher les Kurdes de Syrie ni faire de différence entre les divers éléments des SDF. Ankara souhaiterait que les éléments arabes et turkmènes des SDF puissent rejoindre l’Armée syrienne libre (FSA, opposée au régime de Damais) et mènent l’offensive contre Raqqa sans coopération avec les YPG.

Le Central Command américain a très récemment fait savoir que ''les SDF n’avaient aucun lien avec le PKK'' (Kurdes de Turquie), ce qui semble à la Turquie une ultime tentative de justifier les vues de l’administration de Barrack Obama sur la Syrie. Le porte-parole de la présidence turque, Ibrahim Kalin, a aussitôt répliqué ‘’c’est une plaisanterie ou est-ce que le Centcom a perdu l’esprit ? Croyez-vous que quiconque peut avaler cela ? Les USA doivent cesser de tenter de légitimer un groupe terroriste’’. Reste à savoir si Trump et Tillerson sont vraiment disposés à lâcher et les SDF et les YPG… Et disposés, à Astana, à coordonner les frappes (et les forces spéciales) américaines (et ‘’coalisées’’) avec celles des Russes et de la Turquie contre le califat…