L'universitaire Cristian Popescu résume ainsi l'attitude d'une grande partie de la population roumaine à l'égard du gouvernement au pouvoir, à majorité PSD, parti qualifié de "voleur qui espère être pardonné s'il rend ce qu'il a volé". Ou abrège ce qu'il a fait voter. Pour synthétiser autrement, ce serait amnistie rétractée contre amnistie (fin des Manifestations). Après de massives manifestations, d'une ampleur aussi importante que celles ayant entraîné la chute du régime communiste, et encore plus accrue que celles ayant conduit à la démission de l'ex-Premier ministre PSD Viktor Ponta, le gouvernement a retiré dimanche dernier un décret dépénalisant diverses infractions et réduisant les peines liées à la Corruption et l'abus de pouvoir.
Mais les manifestants craignent que ce recul ne soit que temporaire et que le parlement fasse repasser des mesures affaiblissant la lutte contre la corruption. Les manifestants pourraient fléchir en nombre, mais non en détermination tant que le gouvernement ne donne pas d'assurances formelles.
Le PSD, social et corrompu
Le Parti social-démocrate est à la fois social (nombreuses mesures, certes insuffisantes, pour les ruraux appauvris) et antisocial. Il ne doit cependant pas sa reconduction au pouvoir qu'à la fraude électorale, qui a été très sensiblement réduite. Il dispose d'une faible majorité grâce à l'alliance avec les 20 députés libéraux-démocrates (174 sièges sur 329). Si les Roumains ont su mettre à la présidence un homme intègre, le "Saxon" Klaus Iohannis, classé "centre-droit" (tout ce qui n'est pas PSD est catégorisé à droite), qui a condamné le décret d'allègement des peines pour abus de pouvoir, le clientélisme local a permis la reconduite de l'ancienne majorité au Parlement.
Au 57e rang mondial pour la corruption (barème Transparency Intl), la Roumanie est pourtant dotée d'un parquet national anticorruption, qui a été remanié pour l'épurer. Il a, en 2015, envoyé Viktor Ponta, ex-Premier ministre, cinq ministres, cinq sénateurs, 16 députés et 27 hauts responsables devant les tribunaux. Il y a plus de 2 100 affaires d'abus de pouvoir en cours d'examen, visant tant des élus ou fonctionnaires que des industriels et hommes d'affaires.
Le décret visait à rabaisser la peine maximale de sept à trois ans de prison pour ce type de faits, à relever le seuil des sommes entraînant des poursuites (à 44 000 euros de préjudice) et réduire le délai pour dénoncer une infraction à six mois. Liviu Dragnea, chef du PSD, aurait pu bénéficier de ce décret, même s'il avait affirmé que cela n'aurait pas été le cas.
À présent, le Premier ministre Sorin Grindeanu assure qu'il limogera le ministre de la Justice pour "défaut de communication" sur le décret, mais fait mobiliser des militants du PSD (deux mille seulement) pour dénoncer le président Klaus Iohannis, accusé d'avoir "fomenté" les mouvements de protestation. Ils restent actifs dans tout le pays (photo E. Sur : les manifestants devant l'Opéra de Timisoara, ville d'où fut déclenchée la fin du régime communiste). "Qui a menti mentira, qui a volé volera" est l'adage des protestataires qui réclament la démission du gouvernement. La corruption est restée forte en Roumanie et dans les pays voisins (Bulgarie et Hongrie). En Hongrie, le parti au pouvoir veut suivre l'exemple russe et bannir toute ONG qualifiée d'agent de l'étranger, et en particulier Transparency Intl Magyarország qui dénonce la corruption financière de la banque centrale hongroise. Le président roumain Iohannis devrait s'adresser au Parlement ce mardi mais les manifestations nocturnes pourraient se poursuivre toute la semaine et davantage.