La politique s’invite parfois lors de l’Eurovision, et ce qui se passe cette année est définitivement un exemple en la matière. Un palier supplémentaire va être franchi au cours de cette semaine, alors que les répétitions de l'édition de 2017 ont commencé à Kiev. Ce festival annuel de la musique, du glamour et du kitsch à l’état pur a été absorbé par une confrontation diplomatique qui menace de mettre en péril le déroulement normal de l'événement qui a lieu le 13 mai.

Avant qu'une seule note ne soit chantée. De plus en plus de médias internationaux s’en inquiètent d’ailleurs dans des éditoriaux récents, tels que l’agence Reuters ou The Telegraph. En mars dernier, les autorités ukrainiennes ont même interdit à Yuliya Samoylova, la concurrent russe, de visiter ‘’illégalement’’ la Crimée, que Moscou a annexée en 2014 et que Kiev considère comme occupée. Les représentants russes ont alors vite réagi en se retirant de la compétition, tout en annulant le projet de diffuser sur ses ondes l’extravagant concours qui passionne chaque année de nombreux continentaux et des spectateurs du monde entier.

Grigory Karasin, ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, a décrit le bannissement de la chanteuse Samoylova, qui se déplace en fauteuil roulant depuis son enfance, comme ‘’un autre acte scandaleux, cynique et inhumain commis par les autorités de Kiev’’. La principale intéressée à elle-même déclarée qu'elle ne comprenait pas comment l'Ukraine pourrait "voir une sorte de menace face à une petite fille comme moi". L’artiste de 28 ans a par la suite jeté de l’huile sur le feu par le fait de finalement refuser une invitation à concourir à l’Eurovision, le tout par vidéo interposée. En ajoutant qu’elle compte plutôt chanter lors d’un concert qui a lieu en Crimée ce 9 mai…

L’Eurovision définitivement boudée par la Russie ?

Ce concert polémique qui prend place à Sébastopol, le jour même de la première demi-finale de l'Eurovision, a plus qu'une valeur anecdotique. Rappelons que le 9 mai est aussi le Jour de la Victoire, date à laquelle la Russie fête chaque année la fin de la Seconde Guerre mondiale. "Nous envoyer ce candidat physiquement handicapé est un chantage commis par la Russie", affirme en plus Emine Dzhaparova, ministre de la politique d'information de l'Ukraine.

"Ils en tirent autant d'avantages politiques qu'ils le peuvent", assène-t-elle par ailleurs… De plus, cette responsable politique rappelle que, en vertu de la loi ukrainienne, il est illégal d'entrer en Crimée par un passage frontalier non contrôlé par les autorités ukrainiennes. Mme Samoylova est ainsi l'une des nombreuses artistes russes à subir cette interdiction. La Russie, de son côté, a d’autres soucis en ligne de mire. Le fait que la Chine demande conseil auprès des autorités moscovites pour apaiser les tensions en Corée du Nord représente un dossier beaucoup plus brûlant pour le Kremlin depuis quelques semaines. Mais la guerre larvée entre les deux pays voisins, qui éclaboussa aussi l’Eurovision dès 2016, lorsque Jamala, la représentante ukrainienne, a remporté la compétition avec une chanson sur la déportation des Tatars indigènes de la République soviétique lors de la Seconde Guerre mondiale, va atteindre son point de paroxysme lors du week-end fatidique. La Russie risque-t-elle de bouder le concours durant les années qui suivent ? Le boycott semble s’inscrire dans le temps, la bataille médiatique allant de pair avec le conflit armé…