En ce début de semaine, deux événements capitaux se sont succédés. Tandis qu' AlainJuppé renonçait à servir de « plan B », le Bureau national des Républicains a choisi de renouveler son soutien à la candidature de François Fillon. Suite à cette décision, la plupart des élus qui, une semaine auparavant, affichaient leur hostilité au maintien de la candidature de François Fillon rentrent docilement dans le rang. Comment expliquer ce renversement soudain de tendance ? En appelant ses partisans à se réunir massivement au Trocadéro, ce dimanche, François Fillon a frappé un grand coup.
Par l’intermédiaire de cette opération, il affiche un soutien populaire conséquent. Jouant sur la défiance croissante à l’égard de la soi-disant « élite juridico-politico-médiatique », il réactive ainsi le clivage entre le peuple de droite et l’élite politique de droite. Ce rassemblement lui offre l’opportunité de se placer dans la posture d’un homme porté par le peuple, mais rejeté par l’élite politique, défiant ainsi son propre parti politique qui envisage alors de le remplacer dans la course à l’Elysée. Il s'agit ainsi de rechercher une légitimité populaire après avoir perdu sa légitimité morale. Voilà la stratégie du candidat Fillon. Il démontre que le destituer reviendrait à se mettre à dos une partie non négligeable du peuple de droite, réduisant ainsi la marge de manoeuvre de son parti.
Aux yeux d’Alain Juppé, cette stratégie revient à radicaliser le peuple de droite
En appelant à un vaste rassemblement populaire face à la décision de mise en examen édictée par l’autorité judiciaire, François Fillon alimente une défiance vis-à-vis de l’autorité judiciaire, remettant ainsi en cause l’indépendance de la justice. Cette stratégie radicale semble porter ses fruits.
Même s'il apparaît que le rassemblement n’a pas atteint les 200.000 personnes revendiquées, on ne peut nier qu’un nombre non négligeable de partisans se sont déplacés pour soutenir leur champion. En ce sens, Fillon se démarque une nouvelle fois par une stratégie radicale. Après avoir gagné les primaires sur un programme marqué très à droite, il cherche à reconquérir sa légitimité en adoptant une posture populiste clairement revendiquée.
La stratégie filloniste consiste ainsi à polariser de plus en plus la droite, afin de marginaliser les postures modérées. C’est ce qui empêche Alain Juppé d’être en mesure de représenter la droite lors de cette élection présidentielle, ce dernier revendiquant une posture bien plus modérée.
Le maintien de François Fillon, ou le choix par défaut
Si Les Républicains choisissent de maintenir la candidature de François Fillon, c’est parce qu’aucune personnalité de droite ne fait l’unanimité. En effet, selon ce qu’Alain Juppé dénonce en privé, le courant sarkozyste a manoeuvré en interne pour éviter à tout prix que le maire de Bordeaux constitue une alternative à la candidature de François Fillon.
Après avoir permis à Fillon de remporter largement la primaire, l’inimitié Sarkozy-Juppé lui assure le maintien de sa candidature. « Sarkozy préfère perdre avec Fillon plutôt que de l’emporter avec Juppé », peste d’ailleurs un juppéiste. En cas de renoncement de François Fillon, nombreux sont ceux qui considèrent que François Baroin pourrait constituer une alternative crédible. Ancien chiraquien, soutien de Nicolas Sarkozy au cours de la primaire, il serait à même de susciter un consensus des différents tendances du parti autour de sa candidature. Cependant, le fait de s’être affiché en compagnie de François Fillon lors du rassemblement du Trocadéro n’est pas anodin. Il se peut qu’il acte le fait que les sarkosystes renoncent à remplacer François Fillon.
Les Républicains se résigneront-ils à ce que les scandales judiciaires l’emportent sur le débat démocratique au cours de cette campagne présidentielle ? Se résigneront-ils à maintenir François Fillon, quitte à tirer un trait sur les débats de fonds ?