Les braconniers sont-ils plus forts que la justice ? C'est une question complexe qui préoccupe les populations dans un pays où le système judiciaire est taxé de corrompu, les décisions de justices boudées, et où les trafics d'influence ont pignons sur rue. Plus d'une centaine de cas ont été présentées devant les juridictions mais aucune sanction n'a été exécutée suite à la lecture du contentieux en matière de forêt et de faune. Une preuve du balbutiement judiciaire en la matière.

Self service dans la forêt

La loi N°94/01 du 20 janvier 1994 et ses décrets d'application stipulent que toute exploitation dans la forêt doit être autorisée.

La publication par le ministère des Forêts et de la faune a rendu publique la situation des contentieux en matière de forêts et de faune, relatifs au non respect de la loi forestière au Cameroun. Elle présente: 31 affaires jugées et des décisions non exécutées ; 79 affaires en attente de jugement ; 54 dossiers des sociétés en instance faisant l'objet d'une suspension devant la brigade nationale de contrôle ; des dossiers suivis par les services déconcentrés (35 dans la région de l'Adamaoua, 14 dans le Centre, 9 dans le Littoral, 32 dans le Sud).

Le cas le plus intrigant, reste le cas Biakolo et Daïrou, deux hommes jugés depuis 2012 par le Tribunal de grande instance d'Ebolowa (Région du Sud-Cameroun) pour faux et usage de faux, plus précisément pour « trafic de signature du ministre des Forêts et de la faune dans une autorisation personnelle de coupe ».

Mais à l'heure actuelle, les peines de 12 ans d'emprisonnement ferme infligées à chacun des condamnés et l'amende de  plus de 77 000 euros associée à cette condamnation n'ont toujours pas été exécutées.

Les braconniers sont accusés de complicité d'exploitation sans autorisation d'arbres protégés, de chasse à l'aide d'armes de traite dans une aire protégée, de détention de dépouilles d'animaux protégés sans certificat d'origine, d'exploitation non autorisée de produit forestier spécial (charbon) et de violation d'articles de loi.

Les recherches de Mark Vander Wall en 1998 faisant état 150 éléphants et 44 gorilles tués annuellement dans la réserve du Dja et ceux d'Usongo et Ngeugen (2000) révélaient la mort de 120 éléphants par an dans le parc national de Lobéké. A ces chiffres, il faut ajouter les massacres d'une colonie de 200 éléphants dans le parc de Waza par des braconniers « venus du Soudan » en février 2012.

Retour dans la mine

17,5 millions d'ha de forêt du Cameroun sont jugés exploitables sur 22 millions. Soit 64% du territoire national de forêt dense dans la partie méridionale. Ici, une soixantaine d'espèces d'arbres sur 300 potentiellement commercialisables, font l'objet d'une exploitation régulière soit 39%. Selon une étude de la Revue « Forest Monitor » de mars 2000 « 50% des grumes étaient exploités de manière illégale ». Ces chiffres placent le Cameroun au deuxième rang, derrière la République démocratique du Congo dans le classement africain des pays forestiers.

La faune camerounaise compte 500 espèces de poissons, 400 espèces de mammifères, 180 espèces de reptiles, 800 espèces d'oiseaux.

Hormis les rhinocéros noirs complètement éteints, des chimpanzés cercopithèques, les franconilus du mont Cameroun, le perroquet gris à queue rouge, le chevrotain aquatique et d'autres sont aujourd'hui menacés.

Mais que peuvent faire dix gardes forestiers pour 200 ha dans le parc de la Lobéké ou encore soixante gardes pour 500 ha dans le Dja ? Les sanctions sont-elles suffisamment dissuasives ? Les agents ne sont-ils pas eux-mêmes des braconniers? Assurément les solutions actuelles ne sont pas à la hauteur des problèmes.