Il existe deux types d'hommes. D'abord, ceux qui affirment que le travail est une tâche épanouissante, et qu'elle doit être au coeur de notre vie sociale. Pour eux, une société qui ne travaille plus est une absurdité, puisque justement le concept même de société se fonde sur la spécialisation de chaque individu pour qu'il puisse rendre aux autres un service. Ensuite, ceux qui affirment que le travail est d'abord une activité pénible, et que souvent il conduit à la dépression. Ces derniers pensent surtout qu'il sera amené à se raréfier à cause de la révolution numérique, car des robots seront désormais capable d'accomplir les tâches que faisaient autrefois des êtres humains.
Ainsi, la révolution numérique est une formidable opportunité pour l'émancipation de l'individu vis-à-vis du travail, à condition qu'elle soit accompagnée. C'est ainsi que l'idée du Revenu universel d'existence est mise sur la table.
Le revenu universel n'est pas une incitation à ne plus travailler
Il consiste à "verser à chacun une allocation mensuelle individuelle d'un montant égal pour tous, sans condition de ressources ou de besoins et sans exigence de contreparties", expliquent les économistes Guillaume Allègre et Henri Sterdyniak. A la différence de l'allocation chômage, du RSA, de certaines allocations familiales, etc., le principe de cette sécurité sociale est qu'elle ne varie pas en fonction des individus concernés : l'égalité de considération est parfaite.
Cependant, certains s'inquiètent que cette proposition, portée par des politiciens, ne nuise à l'envie de travailler. En effet, ce faisant, le travail ne serait plus nécessaire car chacun disposerait d'une autre rémunération. Est-ce pour autant une invitation à l'oisiveté ? Nous allons voir que non.
En fait, des expérimentations de ce revenu universel ont eu lieu dans deux villes du Canada, dans les années 1970, pour vérifier statistiquement si les individus le touchant cesseraient de travailler du jour au lendemain.
D'ailleurs, même aujourd'hui en Finlande on teste cette nouvelle allocation. Le résultat était plus nuancé que ce que prédisent les détracteurs du revenu universel : les personnes concernées, notamment les femmes, prenaient plus de temps pour leur vie familiale, pour éduquer leurs enfants, certes, mais elles ne cessaient pas pour autant de travailler.
Autrement dit, les bénéficiaires de ce revenu continuaient à produire des richesses tout en profitant un peu plus de leur vie en dehors du travail. Une société ne cesse pas de travailler du jour au lendemain quand on lui verse une allocation.
Bienfaits du revenu universel
En plus d'être un filet de sécurité supplémentaire, le revenu universel d'existence donne davantage de droits aux ouvriers sur leurs patrons, et donc davantage de force aux syndicats. Comment ? Tout simplement parce qu'il permet à des salariés portant des revendications de prolonger leur période de grève sans pour autant s'affamer. Jusqu'ici, rares étaient les compromis véritablement équilibrés entre les syndicats ouvriers et le patronat, par exemple après l'annonce d'un plan social en entreprise.
Pourquoi ? Parce que les grèves duraient rarement suffisamment de temps pour qu'elles puissent inquiéter le chiffre d'affaire des patrons, en ce qu'elles privaient les salariés de revenu. De sorte que ces grèves s'apparentaient davantage à des grèves de la faim.
L'un des arguments principaux du candidat Benoît Hamon est celui-ci : aujourd'hui, les jeunes, de 18 à 25 ans, sont obligés de travailler pendant leurs études afin de boucler leur fin de mois, de payer leur loyer, ou de payer leurs études dans des écoles privées. Ce faisant, ils occupent de nombreux "petits boulots". Or, justement, en termes d'emploi, ce revenu universel permettrait de libérer tous ces petits boulots, au nombre de 600 000, pour que d'autres y aient accès, qui ne soient pas étudiants. Les étudiants n'auraient plus besoin de travailler, avec un revenu de 750€ mensuel, pour vivre dignement.