Je vous donne la solution : l’image contient quatre points noir cerclés de blanc sur la ligne supérieure, quatre autres sur la médiane, quatre sur la ligne inférieure. Mais, pour la plupart de ceux qui la visualisent, leur perception sera inférieure (trois, quatre, cinq au plus, soit moins de la moitié). En fait, si vous fixez votre regard sur une seule ligne, les quatre points apparaissent ; si c’est la globalité qui est appréhendée, c’est beaucoup plus difficile.
Distance et taille
Encore que… Tout est question de distance et de taille de l’affichage. Si vous zoomez, car disposez d’un écran de grandes dimensions, et reculez d’au moins un demi-mètre, vous devriez percevoir les 12 points simultanément. Mais « le nez sur guidon », c’est tout autre. Et en une fraction de seconde, ce ne seront pas les mêmes points que vous percevrez par rapport à la précédente. Bizarre autant qu’étrange ? Oui et non… L’image, localisée sur Djeclipz, a déjà été vue par près de deux millions de personnes, et recueilli des centaines de commentaires. Dont l’un donne la clef du mystère : « ce doit être la grille scintillante de Lindelbach ».
En fait, une déclinaison de la grille d’Hermann : la luminosité d’une zone est perçue en fonction de celle des zones voisines. La zone centrale de la rétine opère une correction moindre selon l’environnement. Ludimar Hermann avait fait ce constat dès… 1870. En 1994, Elke et Bernd Lindelbach publiaient des grilles plus élaborées, dérivées de celles d’Hermann. Si vous opérez une inclinaison de votre tête à 45°, la perception du nombre des points est augmentée, mais non totale. En se rapprochant très près, ou en s’éloignant trop, le nombre de points perçus variera, ou on ne verra plus que les lignes grises.
Explication convaincante ?
L’inhibition latérale est un phénomène par lequel un neurone sollicité réduit l’activité de ses voisins.
La stimulation est plus forte pour l’un, moindre pour d’autres. Cela se vérifierait en divers domaines : visuel, tactile, auditif et même olfactif. Descartes l’avait perçu et le sujet fut davantage exploré dès 1865 et en 1967, le prix Nobel de médecine fut attribué à des chercheurs ayant étudié la vision des « crabes » limules. Le phénomène expliquerait leur comportement. La réaction à la luminosité leur permettrait de distinguer leurs partenaires pour la reproduction. En d’autres grilles, aucun point n’est présent aux intersections, mais l’illusion d’en apercevoir (selon la distance, les conditions ambiantes) peut se produire. Des chercheurs japonais ont reproduit le phénomène avec des grilles aux éléments concaves et convexes, avec moins de succès (quant à l’immédiateté de la perception).
La théorie en vigueur a été contestée par Peter H. Schiller et Christine E. Carvey, de l’institut de Cambridge (Massachusetts). Ce seraient les cellules S1 (ne me demandez pas que quoi il s’agit) qui seraient en cause. En revanche, quelles que soient les causes réelles, la découverte de ce type d’illusions optiques a eu des répercussions et applications concrètes, par exemple pour la conception d’appareils auditifs. De « quelle oreille l’entendrez-vous » en le lisant ? Par périodes, divers sites, divers titres de presses, redécouvrent ce type d’eau réchauffée et de fils à couper le beurre. Si cela peut concourir à l’extension de la culture scientifique et technique, et de sa vulgarisation, tant mieux.