M’en contrefiche, je suis un Breton. Que l’identité française, si ce n’est Magyaro-Gauloise, soit étroitement liée au Canard enchaîné, bof! N’empêche, même si je ne le reçois en service de presse du Seuil, je lirai avidement les 613 pages du livre de Patrick Rambaud, Le Canard enchaîné, 100 ans – un siècle d’articles et de dessins, à la faveur de moyens subreptices de mon cru. D’abord parce que je le lis depuis plus d’un demi-siècle, le Volatile. C’était mieux avant, un coursier me l’amenait rue du Sentier, à l’Agence centrale de presse, puis je le retrouvais tous les mardis soir, un peu plus tard, Au Tambour, à la tambouille (très recommandable) voisine.
J’ai beau être copain, je crois, avec Delambre (un caricaturiste), je n’ose pas me pointer le mardi au soir pour écornifler. Donc, j’achète chez mes kiosquiers, le Parisien, celui du Banat (pas avant le vendredi), et de rares marocains ou autres. Je pourrais m’abonner, mais… Kiosquier est un dur métier que je ne veux pas plus voir disparaître que les confrères, ces Messieurs du Canard (il y a aussi quelques dames, mais l’expression est restée). Leur mise en page est limite foutraque, mais allez donc boucler si vite! J’ai eu quelques mots avec Pagès, cogéniteur de Botul (of BHL fame), que j’estimai trop perso, botulistiquement parlant, mais cela ne saurait nous fâcher durablement. Non seulement me suis-je perfectionné avec Le Canard en français, mais je l’ai enseigné grâce à lui.
Avec parfois des bises sur le bec de canettes. L’hebdomadaire satirique du mercredi, formule ampoulée servant à le pomper sans le citer tout en le mentionnant, c’est… c’est… trop colossal pour être résumé.
Merci pour l’euro-vingt cents
Chaque Saint-Vincent, fête des vignerons et des libations, je lève mon verre au Canard enchaîné.
Ne serait-ce que pour le maintien du prix populaire. Ce fut le seul titre de presse, lors du passage à l’euro, à baisser son prix, demeuré inchangé depuis (1,20 €). Imbattable record qualité-prix, même si j’estime que, côté investigation, depuis l’avènement de la Toile, le mordant est moins fort: ce qui se discute, admettons.
Mais même si – cas rarissime – je trouvais un max de réchauffé dans les pages d’actus, je n’en continuerai pas moins à me délecter des pages culturelles qui valent très largement le prix d’un pain au chocolat (cette semaine, en cartouches, un « Copé: ma popularité… va croissant », comprend qui veut, ou qui peut, chantait Boby Lapointe). Sans compter les « Coups de barre », le « Conflit de canard» et quelques autres rubriques récurrentes. Mon seul reproche – à moi-même –, après Robert Scipion (†2001), j’ai dû renoncer à tenter de finir les mots croisés. Bon, va pour TP et l’entourage de Trump (V-horiz.), c’était fastoche (je suis un spécialiste de The Donald sur Blasting News), mais le reste, c’est trop coton.
J’allais en oublier la somme de Rambaud, constituée de centaines de reproductions en facsimilés, dont j’ai pu consulter deux pages (au compte-fil) dans l’édition du nº 5009 (daté d’hier, mercredi). Eh, oui, hormis Le Clairon de Clermont(-Ferrand), titre fictif de mon invention qui personnalise les médias, qui peut se targuer d’une telle longévité? La Literatournaïa Gazeta, certes (1830). Le Tarn libre (1835). Le Chasseur français ou Le Journal des communes… Il y avait bien Punch (1841-2002), outre-Manche. Mais songez que Private Eye ne remonte qu’à 1961. Dans sa catégorie, unique (Le Hérisson ou L’Os à moelle n’étaient pas comparables), je ne vois que Le Canard. Ces Messieurs confirmeront ou infirmeront.
Ne serait-ce que pour vous approvisionner en brèves de comptoir du temps jadis, à ressortir rafraîchies, puisez dans cette Histoire, évidemment abondamment illustrée, du Canard enchaîné. C'est bien sûr faire peu de cas de L'Histoire du jeune siècle présent et de l'écoulé dernier, mais, vous vous en doutez, cela va sans dire ni rire, il y en a tout plein dedans. C'en est même à pleurer. Comme en relisant Le Crapouillot d'avant 1967. Mais... ;-)