Elle a très longuement parlé, et détaillé 12 points, certains très clairs, d’autres encore vagues. C’est tout d’abord une période de transition et de négociations avec l’UE. Bon… Rien de neuf. Mais la rupture avec la Cour européenne de justice est actée : les lois seront décidées à ‘’Westminster, Édinbourg, Cardiff et Belfast’’. Les liens entre les quatre entités seront renforcés (une déclaration qui ne mange pas de pain). Point quatre, problématique : pas de restauration de la frontière entre République d’Irlande et Irlande du Nord. On ne voit pas comment cela serait concrètement possible.

Les points cinq, six et sept, concernent les ressortissants européens : moratoire conditionnel pour ceux qui résident déjà au Royaume-Uni, sous réserve de réciprocité pour les Britanniques vivant sur le continent ; les nouveaux venus seront ‘’filtrés’’ (de part et d’autre ?) mais pour tous, les réglementations sur le travail seront approfondies. Le reste, c’est un peu le beurre et l’argent du beurre, notamment pour la poursuite des coopérations scientifiques et universitaires, et sur le plan militaire, dans le cadre de l’Otan. Le point 12, redondant avec le premier, c’est de faciliter la transition en bonne intelligence avec Bruxelles. L’essentiel est peut-être ailleurs, soit dans la fermeté de ton affichée…

Perdant-perdant

Si l’Union prend le risque d’instaurer des mesures de rétorsion, elle finira éclatée, parsemée, et s'auto-amputera, estime la Première ministre.

De toute façon, le Royaume-Uni a toujours vu beaucoup plus loin que le continent et il négociera ses propres accords avec le monde entier. Si les négociations tournent mal, elle quittera la table, car aucun accord avec Bruxelles vaudra mieux qu’un mauvais accord. Il faudra définir un agenda, soit un terme aux discussions, pour ne pas prolonger ‘’un purgatoire’’, une traversée d'un tunnel sans fin.

L’accord, s’il intervient, sera soumis au vote des deux chambres (représentants et Lords). Elle se dit confiante quant à une solution acceptable pour les échanges entre République d’Irlande et ‘’Ulster’’, ce afin d’éviter une reprise du conflit interne à l’Irlande du Nord. Enfin, et c’est sans doute le plus important, elle n’exclut pas, en cas d’échec des négociations, de faire du Royaume-Uni un paradis fiscal.

Bref, le Royaume-Uni quitte l’union douanière sans contreparties (ou seulement à la marge), négocie des accords douaniers bilatéraux avec le monde entier, et doit pouvoir revendre bien et services importés sans risquer d’être pénalisé ou… abaisse très fortement ou supprime les taxes sur les sociétés. Les négociations débuteront en mars avec la demande d’application de l’article 50 consacrant la rupture. Certains journalistes ont par la suite posé la question à Boris Johnson : pourquoi donc l’Union Européenne consentirait-elle un buffet campagnard gratuit permanent au Royaume-Uni ? Il a répondu évasivement que l’accord sera favorable aux deux parties, et que ‘’les intérêts mutuels’’ prévaudront.

L’europhile Lord Mandelson (travailliste) a résumé ainsi : Theresa May ne veut pas voir de différence entre un Brexit ‘’hard’’ et ‘’soft’’ (ici, lisse, doux plutôt que mou). Le danger, des deux côtés de la Manche, tient à ce qu’on peut douter que les négociateurs britanniques soient vraiment bien préparés à leur tâche et que Theresa May, confrontée à une fronde interne (à l’Angleterre et au-delà, soit en Écosse et Irlande du nord en particulier), s’enferre dans une attitude se crispant progressivement pour contenter son électorat conservateur pro-Brexit. Ces derniers se sentent en position de force du fait des bonnes performances économiques du royaume et de la bonne entente avec les États-Unis de Donald Trump.

Reste à constater que les milieux d’affaires interpréteront. Pour le moment, la livre sterling a enrayé sa chute devant les autres devises. L'article 50 prévoit deux ans de négociations, soit de mars prochain à mars 2019. Entre-temps, Londres fera tout pour accentuer les divisions...