Le motard, déjà entendu en 2015 dans le cadre de cette affaire dite « Tuerie de Chevaline », a été placé en garde à vue ce mercredi 12 janvier 2022, à 8 h 05. La procureure d’Annecy, Line Bonnet, a déclaré dans la soirée que « Le juge d'instruction a décidé de la prolongation de la garde à vue actuellement en cours depuis ce matin » et que cette garde à vue « vise à procéder à des vérifications d'emploi du temps ».

Les faits

Le mercredi 5 septembre 2012, aux alentours de 15 h 45, William Brett Martin, un cycliste britannique de 53 ans, découvre une terrible scène de crime, dans une zone forestière de la commune de Chevaline, sur les hauteurs du lac d'Annecy.

Après avoir aperçu une fillette tituber et tomber, il aperçoit, moteur en marche, un break BMW série 5, sur le côté de la route. Il s’approche et découvre également, visant à terre, un autre cycliste. Il pense d’abord à un accident, mais se rend rapidement compte qu’il s’agit de bien autre chose. Il déclarera quelques jours plus tard, lors d’une conférence de presse, qu'il voit « beaucoup de sang et des têtes trouées de balles ». Après avoir brisé une des vitres du véhicule et coupé le contact, il déplace le corps du cycliste de peur qu’un autre véhicule ne le percute, et installe la fillette, Zainab Al-Hilli, 7 ans, qu’il a vu quelques minutes avant tituber et tomber, en position latérale de sécurité.

Victime d’une fracture du crâne et d’une balle reçue à l’épaule, elle survivra.

Croisant un véhicule de randonneurs, William Brett Martin leur demande de prévenir les forces de l’ordre, qui arriveront sur place aux alentours de 16 heures. Les 1ers gendarmes arrivés sur place comprennent rapidement qu’il s’agit d’une scène de crime et figent les lieux.

Il y a 4 victimes : Saad, le père (50 ans), Iqbal, sa femme (47 ans), et Suhaila al-Hallaf (74 ans), la mère d'Iqbal. Chaque victime a reçu deux balles dans la tête, plus, pour Saad Al-Hilli, le père de famille, 3 balles supplémentaires dans le corps. Le cycliste, Sylvain Mollier (45 ans) a été abattu de 7 balles.

Aux alentours de 23 heures, un témoin, voisin de camping de la famille Al-Hilli, les prévient qu’il manque une des filles de la famille.

Cette petite fille, Zeena Al-Hilli, 4 ans, sera découverte, saine et sauve, dans le véhicule, cachée sous les jambes de sa mère, décédée. Les gendarmes avaient figé la scène de crime, dans l’attente de la police scientifique, et n’avaient pas jugés nécessaire de fouiller le véhicule, craignant de la polluer. Ce sera le début de l’affaire dite « Tuerie de Chevaline ».

L’enquête

Confiées à la section de recherche de la gendarmerie de Chambéry, deux informations judiciaires sont ouvertes le 7 septembre 2012 par le procureur de Haute-Savoie, Éric Maillaud, pour assassinats et tentatives d'assassinats. William Bret Martin, le cycliste arrivé le 1er sur les lieux, déclarera aux enquêteurs avoir été doublé, aux alentours de 15 h 15, par le deuxième cycliste, Sylvain Mollier, abattu sur les lieux du crime, ainsi que par une moto et un 4x4.

En novembre 2013, un portrait-robot du motard sera établi et diffusé par la section de recherche de la gendarmerie de Chambéry, suite aux témoignages de deux agents de l’ONF, qui l’avaient aperçu sur un chemin interdit aux véhicules, proche du lieu de la tuerie, commise quelques minutes avant.

Le 18 février 2014, Éric Devouassoux, ancien policier municipal et collectionneur d’armes, sera entendu et placé en garde à vue. Il sera disculpé, son ADN ne correspondant pas aux deux ADN inconnus découverts sur la scène de crime.

En février 2015, le motard dont le portrait-robot avait été établi par les deux gardes de l’ONF, sera retrouvé grâce au bornage téléphonique. Les 2 juges d'instruction d'Annecy, Michel Mollin et Christine de Curraize, chargés de l’affaire, l’exclu de la liste des suspects.

Ils déclareront « C'est un chef d'entreprise de Rhône-Alpes, honorablement connu et au-dessus de tout soupçon, qui était venu faire du parapente et qui rentrait chez lui… Des vérifications doivent encore être menées, mais son profil personnel et professionnel l'exclut de la liste des suspects à 95 % ».

Différentes pistes suivies par les enquêteurs

- En juin 2014, un légionnaire demeurant à Ugine, en Savoie, se suicide. Proche de Sylvain Mollier, ce légionnaire avait été entendu par les gendarmes sans finalement être inquiété. Il laissera, avant de se donner la mort, une lettre posthume expliquant s’être senti accusé et ne plus supporter les soupçons qui pèsent sur lui.

- En mai 2017, un homme interpellé pour trafics d’armes est interrogé sur cette affaire.

La procureure d’Annecy déclarera que « hormis la proximité géographique, rien ne permettait de lier les deux affaires et que son interpellation entrerait dans le cadre d’une enquête d’ampleur nationale menée par les douanes françaises ». Des investigations supplémentaires seront menées, mais sans résultats.

- En décembre 2017, Nordhal Lelandais, mis en examen pour « assassinat » dans le cadre de l’affaire Arthur Noyer, en Savoie, est soupçonné. Au cours de leurs investigations, les enquêteurs avaient émis l’hypothèse que le coupable pourrait être un ancien militaire, car l'arme du crime, un Luger P06 de calibre 7,65, arme très difficile à utiliser, était utilisée par l’armée suisse. Cette piste sera rapidement abandonnée par les enquêteurs qui déclareront « L'ancien maître-chien de l'armée n'est pas considéré comme un tireur d'élite ».

- En 2021, une loge franc-maçonnique, l'Athanor, est démantelée en région parisienne. Plusieurs membres de cette loge maçonnique, d’anciens agents de la DGSE, des policiers et ex-journalistes, sont interpellés alors qu’ils s'apprêtaient à assassiner une coach et hypnotiseuse, en région parisienne. Les enquêteurs vont découvrir chez le commanditaire, un ancien commandant de la direction du renseignement intérieur, des munitions de types 7.65, munitions du type de celle du Luger P06, arme ayant servie dans le tuerie. Cette piste n’est, semble-t-il, toujours pas refermée.

Nouvelle garde à vue

Le mercredi 12 janvier 2022, un motard, déjà entendu en février 2015, dans l'affaire dite « Tuerie de Chevaline », a été placé en garde à vue.

La procureure d’Annecy déclare que cette décision a été prise « à l'encontre d'une personne ce mercredi 12 janvier 2022 à 8 h 05 par la section de recherche de Chambéry dans le cadre de l'assassinat de la famille Al-Hilli et de Sylvain Mollier, dite l'affaire de Chevaline le 5 septembre 2012 ». La magistrate ajoute également qu’il s’agit « de procéder à des vérifications d'emploi du temps ». Dans la soirée du mercredi 12 janvier 2022, la procureure d’Annecy déclare que « Le juge d'instruction a décidé de la prolongation de la garde à vue actuellement en cours depuis ce matin », et que cette garde à vue « vise à procéder à des vérifications d'emploi du temps ». Des perquisitions sont également menées actuellement au domicile de ce motard. La procureure d’Annecy, Line Bonnet, a également précisé qu’un communiqué de presse serait diffusé au terme de cette garde à vue.