Aucune disposition constitutionnelle ne prévoit qu’un État américain puisse quitter le système fédéral et retrouver son indépendance. Mais la Californie est dotée du dispositif de ballot proposition (projet de vote, référendum) qui, en cas de succès d’une pétition d’électeurs inscrits ou d’une initiative de la gouvernance de l’État, peut conduire à une révision constitutionnelle interne. Il ne faut réunir que cinq à huit pour cent de l’électorat, selon la mesure envisagée, pour obtenir la tenue d’un scrutin. De plus, il n’y a pas de quorum : abstentions ou bulletins nuls ne sont pas considérés… Mais ce seuil (de huit pc pour une révision constitutionnelle) implique de recueillir plus d’un demi-million de signatures… Depuis 1978, les Californiens ont voté une vingtaine de fois sur des sujets d’importance, 17 propositions ont été adoptées, mais trois furent rejetées par la suite car contraires à la constitution.
Un demi-million de signataires, cela implique des fonds pour les réunir. Mais c’est justement ce que se propose de faire, avec l’appui d’autres grands investisseurs de la Silicon Valley et du secteur des nouvelles technologies, le millionnaire Shervin Pishevar. La Nouvelle Californie (New California) pourrait, selon lui, après avoir déclaré son indépendance, réintégrer l’union fédérale selon ses propres critères d’association. Le Calexit est-il en marche et a-t-il la moindre chance de réussir ?
Sixième puissance économique
Économiquement, la Californie est la sixième puissance économique, juste devant la France et derrière (jusqu’à nouvel ordre découlant du Brexit) le Royaume-Uni. Cette position est validée par le FMI.
Le nouvel État pourrait compter 40 millions d’habitants, davantage si la Nouvelle Californie assouplissait ses régulations sur l’immigration, mexicaine notamment. Shervin Pishevar semble déterminé. Il a écrit au président en exercice, Barack Obama, qu’il ne pourrait, en conscience, appuyer Donald Trump de quelque manière que ce soit, et il a donc démissionné de postes honorifiques.
Non seulement n’est-il pas isolé au sein de la communauté de la Silicon Valley, mais dès l’annonce du résultat, les Californiens ont consulté en masse Google avec la requête sécession. L’ours et l’étoile rouge de la Nouvelle Californie formeraient les couleurs et symboles d’un nouveau drapeau. En Californie, Hillary Clinton a recueilli 61,5% des suffrages, le vote Trump étant concentré sur les comtés peu peuplés limitrophes du Nevada et de l’Oregon (qui, comme l’État Washington, et dans une moindre mesure l’Arizona, se sont fortement prononcés pour la démocrate).
La création d’une Nouvelle Californie pourrait-elle avoir un effet d’entraînement pour toute la côte ouest, du Mexique au Canada ? L’idée d’une sécession n’est pas tout à fait nouvelle et un mouvement Yes California avait été lancé l’an dernier. Il semble se réactiver.
Constitution fédérale bouclée
Le reste des États-Unis soit serait mis devant le fait accompli soit, comme dans le cas de l’Espagne et de la Catalogne, pourrait tenter d’empêcher la sécession. Les 2/3 des membres du Congrès doivent accepter une révision constitutionnelle. La constitution fédérale est fortement consolidée. Les républicains, majoritaires dans les deux chambres, s’y opposeraient, les démocrates se diviseraient sans doute.
L’idée d’une sécession a aussi longtemps, et même récemment, été avancée au Texas, y compris parmi les républicains. Les mesures préconisées par Trump à propos du changement climatique pourraient accélérer, en Californie, le désir d’indépendance. Les orages à répétition dévastent mais ne compensent pas les sécheresses ou les incendies de forêts. Le Golden State est l’un des plus incisifs en matière de protection de l’environnement. Si l’indépendance paraît une question de survie, la Nouvelle Californie ne serait pas tout à fait une chimère.