Créer une zone tampon sure entre le sud de la Syrie et le Liban, tel semble l’objectif conjoint du régime syrien et de l'Iran qui repeuplent des localités sunnites autour de Damas avec des familles chiites syriennes, iraquiennes et libanaises. Martin Churlow et Suzan Haidamous, du Guardian, ont rassemblé des témoignages et enquêté dans les zones situées entre Damas et la frontière libanaise. Selon un informateur libanais haut placé, ‘’l’Iran et le régime [syrien] ne veulent plus qu’aucun sunnite habite entre Damas, Homs et la frontière libanaise.
’’. Les zones de repeuplement visées sont les fiefs sunnites de Zabadani et Madaya. Tout d’abord, des chiites des régions de Fua et Kefraya, proches d’Idlib, au sud-ouest d’Alep (au nord de la Syrie), ont été relogés plus au sud. Ces régions ont été marquées par de longs combats entre les forces du régime et divers groupes rebelles, dont des djihadistes. Un début d'accord serait intervenu, à Istanbul, entre le régime et l’un des groupes rebelles, et le groupe Ahrar al-Sham, pour organiser l’exode. Selon Labib al-Nahas, d’Ahrar al-Sham, ‘’l’Iran était disposé à un échange total (…) Le Hezbollobah considère que c’est [Madaya et Zabadani] une zone de sécurité et une extension naturelle de son territoire au Liban’’.
Dans les zones prises aux sunnites, les registres cadastraux ont été systématiquement détruits. Les sunnites les ayant fui éprouveront les plus grandes difficultés, s’ils jamais ils revenaient, à revendiquer la possession de leurs habitations ou terrains. Les locaux du cadastre ont été incendiés en plusieurs localités et villes comme Zabadani, Darayya, Homs et Qusayr, dès leur prise par les milices chiites du Hezbollah et d’Iran, dès 2013.
Relogement d’Iraquiens et de Libanais
Sans sombrer dans la théorie du complot, on peut peut-être concevoir que ces mouvements de population expliqueraient en partie la quasi-neutralité apparente du Mossad et de Tsahal à l’égard des mouvements sunnites, djihadistes inclus, de Syrie. L’Iran est très actif en Iraq, dont le gouvernement est un allié, et il favoriserait la relocalisation des familles chiites, provenant de zones de conflits désertées, au sud de la Syrie.
Le Hezbollah inciterait des familles chiites libanaises à s’installer en Syrie dans ces régions frontalières. Le régime syrien faciliterait l’exode des sunnites vers Idlib et ses alentours, encore tenus par des factions rebelles diverses, pour la plupart sunnites. Les rebelles vaincus sont autorisés à refluer vers le nord. Dans les localités ainsi repeuplées par des chiites, les familles sont relogées en priorité dans des maisons ou appartements jouxtant les mosquées chiites. L’Iran a parfois acheté de tels biens en vue d’y reloger des chiites, ainsi autour de la mosquée de Sayeda Zainab, une localité du sud de Damas (la mosquée est un sanctuaire chiite dédiée à la fille d’Ali et de Fatima).
Il en est de même autour du sanctuaire de Darayya. Les alentours de la mosquée des Omeyades de Damas ont aussi été ainsi repeuplés. L’Iran et le régime veulent asseoir leur influence de manière pérenne dans des régions sûres, peut-être en vue de concéder d’autres zones à la rébellion, si la trêve dure et qu'aboutissent les tractations entre les parties, à Astana (Kazakhstan), en marge de la Conférence de Paris sur la paix au Proche-Orient, qui s’ouvre dimanche. John Kerry viendra ce dimanche à Paris mais l’administration Trump a été invitée officiellement au Kazakhstan, le 23 prochain. Une représentation des rebelles syriens de l'Armée syrienne libre sera présente à Astana et la question de la présence d’une représentation étasunienne est liée à celle d’une éventuelle délégation des Kurdes de Syrie ou de leurs alliés des Forces démocratiques syriennes (SDF), ce à quoi la Turquie s’oppose.