Hier, la Turquie a franchi une nouvelle étape dans la répression et la suppression des libertés individuelles. En effet, le gouvernement d'Ankara vient de fermer l'accès à l'encyclopédie en ligne Wikipédia, vient d'interdire la diffusion des émissions télévisées de rencontres amoureuses et vient de congédier près de 4000 fonctionnaires. L'exécutif dispose désormais de ces droits depuis la proclamation de l'état d'urgence en juillet 2016, après la tentative de putsch ratée.

Et il dispose d'une légitimité supplémentaire à le faire après que le président Erdogan ait gagné son pari et ait obtenu, par référendum, l'accroissement de ses pouvoirs au détriment de ceux du Parlement.

Cible principale : les médias

Rien de nouveau en ce qui concerne les médias : en Turquie, ils subissent depuis des années un acharnement rarement vu dans les pays se disant démocratiques. Plus récemment, le président turc les accusait d'alimenter une propagande inepte contre lui, et d'avoir simplement pour objectif de contrecarrer ses plans. Les chaînes d'information et la presse ont donc été les premières cibles de la répression suite à la tentative de coup d'état de juillet 2016.

Ce qui s'explique moins facilement, c'est que le gouvernement ait décidé de s'en prendre aux émissions de rencontres amoureuses - sans doute pour des motifs religieux, puisque le parti au pouvoir en Turquie est islamo-conservateur. Le décret signé par l'exécutif à ce sujet stipule ceci : " A la radio et à la télévision, ce type de programmes dans lesquels les personnes sont présentées les unes aux autres pour trouver un petit ami... ne peut être autorisé."

De toute manière, la population s'y attendait depuis quelques mois, elle avait été prévenue par le vice-premier ministre turc, lequel reprochait à ce genre de programmes de mettre en cause la sainteté de la famille et de son établissement. Selon ce dernier, ces rencontres amoureuses préparées et mises en scène nuiraient à l'image que les Turcs se font de la famille et de son importance.

Donc, l'hypothèse du motif religieux semble se confirmer...

Seconde cible : les fonctionnaires

L'état d'urgence a permis au gouvernement turc de procéder à des arrestations de fonctionnaires et à des interrogatoires : il s'agit pour lui de trier parmi les officiers de l'Etat lesquels ont activement participé, ou bien ont simplement soutenu en sous-main, à la tentative de coup d'état de juillet 2016. Ainsi, 3974 fonctionnaires ont été congédiés à cause de soupçon entretenu sur leur rôle dans cette tentative de putsch. Ce sont pour la plupart des membres du ministère de la Justice et des soldats. Plus de 1000 fonctionnaires révoqués travaillaient en effet dans le domaine de la justice, plus de 1000 étaient dans l'armée.

De plus, on dénombre à peu près 500 professeurs d'université limogés. Ces 3974 licenciements s'ajoutent, dans le cadre de la purge, aux milliers d'autres décidés depuis près de 10 mois : 47 000 personnes ont été arrêtées depuis juillet 2016. Le gouvernement a annoncé à ce sujet que ces personnes étaient liées de près ou de loin au prédicateur Fethullah Gülen, opposant politique exilé depuis des années aux Etats-Unis.

Troisième cible : la culture et la communication

L'accès à l'encyclopédie en ligne Wikipédia est interdit depuis hier à 8 heures du matin. Pour le moment, aucune justification n'est parvenue à ce sujet de la part de l'exécutif ; de ce fait, les médias encore autorisés en Turquie s'interrogent sur les raisons de cette interdiction.

Puisqu'il s'agit d'un décret, il ne sera de toute façon que provisoire, et la prolongation de son application dépendra des décisions de la justice. Cette interdiction incompréhensible s'ajoute à celles entrecoupées des réseaux sociaux : par exemple, lors de manifestations contre le régime turc ou après des attentats, l'accès à Facebook ou Twitter était devenu impossible, puis avait été ré-ouvert.