L’air pensif, le regard tourné vers l’inconnu, la pipe accrochée à sa bouche telle une signature, l’on l’imagine en pleine cogitation pour son Afrique, sa patrie, son pays, son antre, son tout. Il s’agit ici de Sembène Ousmane, le père fondateur du cinéma africain et le romancier hors pairs, dont les actions l’auront conduit sur de nombreux fronts concourant la plupart du temps aux concepts culturels de libertés.
Décédé le 9 juin 2007 à Dakar au Sénégal, la commémoration des 10 ans de son décès fut célébrée dans près de 34 pays en Afrique ce vendredi 9 Juin 2017. La SAMBE (société des amis de Mongo Beti) au Cameroun a voulu à son tour mettre sa touche personnelle en organisant des projections de ses films et des Conférences-Débats, sur le parcours de ce personnage atypique qui marquera son époque à travers ses œuvres aussi subversives qu’intellectuelles.
En créant un parallèle entre son confrère Mongo Béti et ses œuvres littéraires qualifiées de dérangeantes, et celles de Sembène Ousmane, l’on sera automatiquement transporté vers cette quête d’estime de soi et de respect des valeurs, ceci à une période ou tout présageait le contraire. La SAMBE, par le biais de la Librairies des Peuples Noirs (située à Yaoundé en face du bâtiment de la SNI) appartenant à Mongo Beti, a accueilli aux environs de 15 heures ce 9 juin 2017, quelques projections de ses films et une Conférence-Débat sur : « l’Homme littéraire et cinéaste, son parcours, sa vie, ses combats et ses œuvres ».
Le panel aura été riche en découvertes et analyses, il a été présidé par la journaliste et promotrice du CNA (cinéma numérique ambulant) Stéphanie Dogmo, la présidente de la Fondation Conseil Jeunes Michèle Abé, du professeur Ambroise Kom et de l'écrivaine Djhamidi Bond.
Batailler pour ses idéaux a fait de Sembène Ousman un des martyrs de sa génération
La ville de Ziguinchor en Casamance dans le Sud du Sénégal, n’aurait jamais prédit que ce 1er janvier 1923, naitrait une des figures mondiales de la lutte des classes, et des libertés individuelles en la personne de Sembène Ousmane. Ecolier dignement raccroché à ses valeurs personnelles, le jeune homme ne fera pas long feu dans les bancs de l'école, et sera même exclu de son école primaire pour un refus d’apprendre la langue Corse.
Tour à tour pêcheur, maçon ou mécanicien, il finit par s’engager dans l’armée et se retrouve en Allemagne dans la ville de Baden-Baden. Devenu à 19 ans « tirailleurs Sénégalais » dans l’armée française, il est ensuite renvoyé dans plusieurs pays d’Afrique Centrale et d’Afrique du Nord combattre.
Cet homme engagé intègrera le Parti Communiste Français (PCF), dans lequel il militera à partir de 1950. Happé et subjugué de s’apercevoir durant ses nombreux déplacements à travers l'Afrique que ses compères subissent une grande pauvreté et sont la plupart du temps analphabètes, il décide de retourner au Sénégal après les indépendances (1960). Egalement passionné de cinéma et de littérature, il fréquentera les salles de cinéma lors de son séjour en Europe et finira par repartir à Moscou en 1961 afin de se perfectionner en cinématographie pour 3 années consécutives.
L’Afrique ouvre une nouvelle bèche cinématographique grâce à Sembène Ousman
De retour dans son pays après sa formation cinématographique à Moscou, il créé un journal local en Wolof (première langue du Sénégal) intitulé Kaddu en 1971 et sort son 6e ouvrage ( Véhi-Ciosane ou Blanche-Genèse, Editions Présence Africaine , Paris France) et son film Emitai (prix de l’Ours d’Or du Festival de Moscou et premier prix Afro-Asiatique du film Tachkent) qui reçoit de nombreux prix. Le célèbre livre « Le Mandat » (Manda-bi en wolof) sorti en 1968, lui fera avoir une notoriété mondiale et sera même adapté au cinéma. Ses films comme le Camp de Thiaroye (Grand prix du Jury à Venise en 1988) diffusé à la Librairie des Peuples Noirs à Yaoundé ce 9 Juin 2017, mettra en exergue ce côté quelque peu délicat de la colonisation et de ces soldats africains livrés à eux-mêmes, et se revendiquant militants du retour à leur racines premières.
Le Panel invité en la personne du professeur Ambroise Kom expliquera sa démarche artistique en incluant son engagement personnel aux vues de ses actions et de ses œuvres. La vie personnelle du père du cinéma africain, aura été des plus perturbées, cependant, il restera cette entité que l’Afrique à créée et qui continue de bercer nos valeurs humaines.