La Libye a décidé de reprendre la main sur ses eaux territoriales le 10 Août dernier. Seuls certains navires étrangers sont désormais autorisés à y naviguer. L'objectif du gouvernement libyen est de créer une zone de recherche et de sauvetage des migrants au large de ses côtes, en interdisant l'intervention des Organisations Non Gouvernementales (ONG). Certaines ont d'ailleurs immédiatement stoppé leurs activités au sud de la Sicile pour garantir la sécurité de leurs équipes. Hier dimanche, c'est l'organisation humanitaire allemande Sea Eye qui a gardé ses navires au port.

Avant elle, Médecins Sans Frontières et Save the Children avaient déjà pris les mêmes décisions. Les unes après les autres, le ONG jettent donc l'éponge en Méditerranée, ou repensent leur présence entre la Libye et l'Italie, en refusant parfois de donner la moindre explication. Aujourd'hui lundi, seule l'ONG espagnole Proactiva Open Arms a déclaré que ses deux bateaux, stationnés à Malte, reprendraient malgré tout leurs opérations de secours.

L'ONG Sea Eye réagit

Pour Hans-Peter Buschheuer, responsable de Sea Eye, la décision a été difficile à prendre : "La sécurité de nos équipes n'est plus garantie en raison des menaces du gouvernement libyen qui dit vouloir étendre la zone qu'il contrôle devant ses côtes sans pour autant en définir les contours".

Ces imprécisions alourdissent le travail des ONG qui, dans le doute, préfèrent stopper l'aide aux migrants pour le moment. Déjà l'an dernier, la marine libyenne avait fait preuve de violence en détruisant l'un des bateaux - une vedette - de Sea Eye. Deux membres de l'ONG avaient même été incarcérés en Libye pendant quatre jours.

Hans-Peter Buschheuer rappelle également que les libyens avaient déjà tiré plusieurs fois sur des bateaux où se trouvaient plusieurs dizaines de migrants.

Des conséquences dramatiques

L'ONG Sea Eye prévoit un futur dramatique en Méditerranée si personne n'est là pour secourir les hommes, les femmes et les enfants qui fuient leur pays, perdus en haute mer.

De même, Rob MacGillivray, de l'ONG britannique Save the Children, partage l'opinion de son homologue allemand, et craint le décès de nombreux enfants en adolescents si les bateaux où ils se trouvent sont obligés de faire demi-tour pour retourner en Libye.

Du côté de Sea Eye, on rappelle que le gouvernement allemand d'Angela Merkel a souvent comparé la situation en Libye aux camps de concentration du 20ème siècle : "arrestations arbitraires, prisons illégales et travail forcé". La situation des femmes empire également. Certaines tombent enceintes, violées par les passeurs. Les droits de l'homme sont ainsi souvent réduits à néant sur ces embarcations de fortune. L'ensemble de ONG qualifient donc d'impardonnable le choix de l'Union Européenne de s'appuyer sur la Libye pour trouver une solution au problème des migrants.

Les associations soulignent aussi les scores au sommet des partis d'extrême droite en Europe, preuve supplémentaire de l'incompétence des pouvoirs en place.

L'Italie poursuit sa collaboration avec la Libye

De son côté, le gouvernement italien se déclare satisfait, et soutient la Libye dans sa décision de mieux contrôler ses eaux territoriales pour réduire le nombre de migrants perdus en Méditerranée. Il compte sur le soutien de l'ONU pour instaurer un règlement plus respectueux au sein des camps en Libye. Aucun financement n'a cependant été annoncé. L'Italie rappelle également que l'Union Européenne devrait mettre davantage la main au porte-feuille pour l'aider financièrement à mieux lutter contre les passeurs et éviter de nouveaux drames humains en mer Méditerranée.