Le discours du président Macron à l’Université de Ouagadougou est un modèle du genre. Certains commentateurs estiment que Macron a réussi un show diplomatique en mettant les responsables politiques africains en face de leurs responsabilités. C’est vrai pour l’électrification de l’Afrique : en répondant à une étudiante qui lui posait la question relative à l’électrification, Macron a dit que c’était du ressort du Président burkinabé. Cette réponse est intéressante car elle met le focus sur la nécessité des Présidents africains à prendre en charge les problèmes de développement de leurs pays, ce qui ne semble être le cas, surtout en Afrique francophone au sein de laquelle la corruption fait flores.
Macron a introduit une méthode et une stratégie. La méthode vise à parler de façon franche en dépoussiérant les vieilles habitudes de la Françafrique, véritable réseau de liens réciproques entre les dirigeants français et leurs homologues africains. Macron sait que la jeunesse africaine est avide de responsabilités et désire exister par elle-même grâce à son travail. Le Président Macron ne s’y est pas trompé et la stratégie visant à mettre l’accent sur la jeunesse et l’entrepreneuriat doit être saluée car, au-delà des poncifs traditionnels dans les relations entre l’Afrique et la France, le Président Macron construit progressivement une nouvelle route partagée par les Africains et les Français.
Pour Macron, la politique française en Afrique doit dépasser la zone francophone et concerner aussi la zone anglophone. On a ici la justification de son voyage au Ghana.
La rupture macronienne dans la politique française vis-à-vis de l’Afrique
Il n’y a pas de politique africaine de la France et encore moins une politique du grand frère par rapport au cadet africain mais une politique française en Afrique dominée par l’influence que la France peut avoir sur le continent, compte-tenu des relations anciennes entre la France et l’Afrique mais surtout parce que Macron est un jeune Président français qui n’a pas à s’excuser et encore moins à se repentir des crimes commis par ses ancêtres français pendant les périodes de l’esclavage et de la colonisation.
Macron reconnait que l’esclavage et la colonisation sont des crimes contre l’humanité, la France doit regarder son histoire en face mais, pour autant, il ne s’agit ni de se repentir, ni de s’excuser. Il demande aux Africains de dépasser la posture larmoyante, même s’il sait que les plaies mémorielles ont beaucoup de mal à se cicatriser.
Déclassification du dossier Sankara et remise à plat de certains dossiers comme le franc CFA
L’avantage du Président Macron est qu’il dit les choses de façon très claire et très nette, ce qui n’était pas le cas de ses prédécesseurs (Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande) car, derrière les déclarations de principe, il y avait chez ses prédécesseurs une stratégie de ruse au sein de laquelle domine la défense des intérêts français. Macron n’échappe pas à cette défense des intérêts français, mais au moins les choses sont dites, comme c’est le cas pour l’inauguration de la plus grande centrale d’électricité à panneaux solaires financée à hauteur de 30 millions par l’agence française de développement et construite par une filiale de Vinci.
La France va aider la Côte d’Ivoire à bâtir son métro et le Sénégal à construire son train urbain. Dans tous les cas, Macron inaugure une façon de faire, c’est la vérité lors qu’il dit que le dossier Sankara, ancien Président du Burkina Faso de 1983 à 1987 va être déclassifié pour que la vérité soit connue. C’est aussi vrai lorsque, sans le dire, il s’adresse à certains intellectuels et présidents africains qui estiment que le Franc CFA ne favorise pas le développement des pays membres de la zone francophone. Le message de Macron est clair : personne ne retient les Africains francophones dans cette zone, ils peuvent en partir s’ils en expriment le souhait. Au sommet Union africaine/Union Européenne, Macron a décidé de prendre une initiative concernant la traite des personnes en Libye mais, face à cette question, il a tancé les Africains en indiquant leur responsabilité dans l’accélération de cette traite des Noirs des temps modernes.
Voilà donc le nouveau Macron et la nouvelle politique française. Nous sommes rentrés dans le nouveau monde de Macron. Il faut espérer que ces grands principes soient suivis d’actes concrets sur le terrain. Que les Africains arrêtent de pleurer et de se lamenter et qu’ils saisissent leur destin en main pour que la voie partagée recommandée par Macron ne devienne pas un chemin de croix pour les Africains partenaires de la France.