Un stade est d’ores et déjà prêt au Qatar pour... la Coupe du Monde 2022, alors que celle en Russie se termine à peine. D’ici la fin 2018, deux autres stades devraient être prêts. Pourtant, en 2010, quand la FIFA annonçait l'attribution de l'organisation de la coupe du monde 2022 au petit émirat, aucun stade du Royaume n'était alors adapté pour l’accueil d'une telle compétition. Les travaux achevés, le pays comptera de nombreux stades qui seront de véritables prouesses architecturales. Ils seront tous climatisés et certains seront même démontables comme le Ras Abu Aboud Stadium.

Situé à proximité de Doha, il sera construit à partir de containers sur un site de 450 000 m2 au bord de la mer. Un autre stade présente sur ses murs extérieurs des écrans géants qui diffuseront des informations liées aux matchs. Pour leur réalisation, ce ne sont pas moins de 26 000 travailleurs, majoritairement originaires d'Asie, qui seront confrontés quotidiennement à de très hautes températures.

La technologie au service des travailleurs

En 2015, 10 000 travailleurs étrangers avaient souffert d’abus selon des statistiques publiées par le Qatar. Les ONG avaient également tiré la sonnette d’alarme, s’inquiétant du sort réservé à cette main d’oeuvre étrangère. En décembre 2017, le Royaume signait la fin du système de la Kafala, un système de parrainage qui accordait beaucoup trop de prérogatives à l’employeur sur son salarié.

Depuis, il n’est plus possible d’interdire aux travailleurs de quitter le pays ou de changer d’emploi.

Pour renforcer les droits des travailleurs, le pays a décidé d’instaurer l’obligation pour tout salarié d’avoir un contrat de travail, ce qui lui permet de passer directement par le ministère et non plus par l’employeur lorsqu’il souhaite changer de travail ou voyager.

De plus, un salaire minimum a été instauré pour tous les travailleurs. Le 4 septembre, l’Organisation Internationale du Travail saluait la dernière législation du Qatar qui vise à autoriser les travailleurs migrants du Qatar à quitter le pays sans demander d’autorisation. Ces efforts conjugués n’empêchent malheureusement pas la survenance d’accidents au cours des chantiers.

Pour les diminuer, les autorités ont donc décidé d’équiper les travailleurs de gilets réfrigérants. Véritable prouesse technologique développée en partenariat avec la société britannique TechNiche, ceux-ci permettent de faire baisser la température corporelle de 15 degrés Celsius. 3500 modèles ont déjà été distribués aux ouvriers les plus exposés.Par ailleurs, le Comité suprême pour la livraison et l'héritage (CSLH), chargé de l'organisation de la compétition, a lancé début août une application smartphone destinée à faciliter la vie des ouvriers étrangers.Baptisée Maddad, qui signifie « aide » en hindi et en arabe, la plateforme permet d'opérer des transferts d'argent, de communiquer avec les familles restées dans les différents pays d'origine, d'avoir accès aux services de santé de l’émirat, ou encore d'être sensibilisé aux activités sociales et de loisir locales.

Près de 22 000 travailleurs auraient déjà téléchargé l'application.Un projet pensé en partenariat avec les concernés, qui se sont vus interrogés pendant de longs mois sur l'opportunité et les attentes d'un tel programme. « Impliquer les travailleurs en amont était impératif pour concevoir une application qui doit leur être bénéfique. Leurs remarques, critiques et attentes ont conduit à la première version d'une application qui a été améliorée en tenant compte des nombreux aspects de leur vie au Qatar » précisait un responsable du CLSH.

Les conséquences du blocus économique

Cependant, outre le bien-être des ouvriers malgré les hautes températures, l’émirat évolue dans un contexte particulier : il doit faire face à un blocus sans précédent, qui menace l'avancée des chantiers.

Depuis le blocus instauré par ses voisins saoudiens et émiratis, le Qatar a perdu sa seule frontière terrestre et de nombreuses liaisons aériennes et maritimes. Un conflit géopolitique qui se répercute directement sur l'importation de matériaux pour les chantiers. Les prix augmentent et les délais d’approvisionnement peuvent être rallongés. Une situation qui fait croire à certains que les stades ne seront pas prêts à temps. Ce qui est sûr, pour Jean-Baptiste Guégan, enseignant à l’ISTEC, c’est que le blocus entrainera un « surcoût ».Mais « la livraison des stades était de toute façon prévue dès 2021. Même d'éventuels retards ne remettraient pas en cause la tenue de la Coupe du monde fin 2022 », précise l'auteur de Géopolitique du sport : une autre explication du monde.