La nouvelle est tombée tel un couperet ce 23 juin 2020. "Le Roi est mort, vive le Roi", a-t-on coutume d'entendre. En effet, né vers 1958, Litassou Makaïni Makkadallah, Lamido de Yagoua est décédé à Yaoundé, capitale politique du Cameroun, des suites d'une longue maladie. Inconsolable, la communauté Massa du Cameroun crie ainsi son désespoir et sa peine face à cette grande perte.
Il était Lamido de premier degré de Yagoua depuis le 18 octobre 2008. Litassou Makaïni, homme marié, administrait une chefferie qui s'étend sur deux (2) arrondissements que sont Yagoua et Vele, avec une population estimée aujourd'hui à 300 000 habitants.
Très connu pour son inébranlable sourire et son esprit rassembleur, le Lamido de Yagoua-Vele (dans le département du Mayo-Danay) laisse un grand héritage culturel à son peuple. C'est sans conteste que cette communauté solidaire et unie, s'est rassemblée à son domicile (chefferie) à Yagoua, dès l'annonce de sa mort. Des chants traditionnels des cris et des lamentation fusaient de partout. Une journée désormais inoubliable pour le peuple Massa, le départ d'un grand Roi.
Litassou Makaïni, le parcours vers l'excellence
Issu de l'école Mission Catholique et de l'école publique de Yagoua (où il obtient son Certificat d'Etudes Primaire et Elémentaire), c'est ainsi qu'il va poursuivre son cursus scolaire au lycée de Maroua (obtient le BEPC en 1975, le Probatoire A4 Allemand en 1977 et le Bac de Philosophie et Lettres en 1979), pour se retrouver à l'Université de Yaoundé à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques (1979-1982).
Il sortira de là avec une licence en Droit Public et va ensuite réussir au concours très prisé de l'ENAM (Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature) de 1983 à 1985.
Continuant de gravir les échelons dans sa carrière professionnelle, de 1986 à 1993, Litassou sera ensuite affecté au Ministère des Finances à la Direction du Trésor.
Afin de parfaire ce parcours déjà assez vaste, il va retourner à l'ENAM en cycle A, section Administration Générale (1993-1995). Bourreau de travail, le jeune premier dans son domaine va se faire une place dans l'administration. Il occupera successivement de nombreux postes de responsabilité (toujours au Ministère des Finances à la Direction du Budget).
Il a été Chef de service des Régies d'Avances (1996-1999), Chef de service des Etablissements Publics (1996-2000), Contrôleur Financier Spécialisé auprès du Ministère de l'Urbanisme et de l'Habitat (2000) et auprès de l'ART (Agence de Régulation des Télécommunications) en 2004.
Cet homme au grand coeur était également sollicité de partout et occupait d'autres fonctions autres que celui de l'administration. C'est ainsi qu'on l'a retrouvé comme :
- Président du Comité Juridique et Administratif au Conseil National des Chefs Traditionnels du Cameroun
- Président de l’Association pour le Développement du Mayo-Danay (ADEMADA) en 2011
- Commissaire aux Comptes de la Mission de Développement Intégré des Monts Mandara (MIDIMA) à Mokolo depuis 1990
- Administrateur représentant le Ministère des Finances et du Budget à la Mission de Promotion des Matériaux Locaux (MIPROMALO) à Yaoundé depuis 2000
Une dynastie Massa encrée dans son histoire
Ayant comme descendance une lignée de Chefs et de commandeurs, Litassou Makaïni est le petit-fils de Soua.
Sous le règne des Allemands, Soua était le Chef de tous les Massa, du Cameroun et du Tchad, selon l'oeuvre "Les Kirdi du Nord-Cameroun" de Yves Schallez. A la page 104 de cet ouvrage, on peut lire plusieurs indications parlant de cette dynastie.
’’Ce sont les Allemands qui fondèrent le poste de Yagoua en 1902. Ces derniers entreprirent la pacification du pays en s’appuyant sur un chef de guerre de Yagoua, Saouguéro, qu’ils promurent au titre de chef de tous les Massa, fixant ainsi jusqu’à nos jours les limites territoriales des clans Massa". Rappelons qu'Yves Schallez a écrit Saouguéro au lieu de Souaguéro, le nom c’est Soua et le suffixe Guéro ajouté au nom Soua pour avoir accompli les rites de l'initiation du peuple Massa.
Fils de Makayni ou Makaïni (un des célèbres Lamido du peuple Massa dont l'épopée glorieuse n'a pas fini de dépeindre sur son histoire) qui régna de 1939 à décembre 1960, Litassou a su se faire une place dans cette table de la gestion paritaire de cette administration territoriale. Vaillant soldat de la nation, il va tour à tour recevoir de nombreuses distinctions comme celle du Diplôme d’honneur décerné par Le Préfet du Département du Mayo-Danay pour les bons et loyaux services rendus aux populations de sa Circonscription administrative au titre de l’année 2003-2004.
Membre actif du RDPC (Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais), il fut en 2004, vice-président de la commission départementale du Mayo-Danay à Yagoua et a parallèlement présidé le Meeting de clôture à la place du Délégué du Comité central du RDPC empêché.
Ses fonctions au sein du parti ont été de plusieurs ordres. Toutefois, le retrait de la révérence de Sa Majesté Litassou Makaïni Soua Makkadallah, Lamidio de Yagoua a été ce 23 juin 2020. Pour ce faire, un livre de condoléances est ouvert à Yaoundé et à la chefferie de Yagoua. La communauté du Mayo-Danay toute entière est priée d'observer des moments de recueillement pour le repos de son âme, tout en respectant les mesures de lutte contre le Covid-19.