La gay pride de Rouen - ou « Marche des fiertés » si on souhaite employer le terme exact - se déroulera le 6 juin prochain. L'affiche de cet événement annuel suscite une vive polémique qui prend de plus en plus d'ampleur. La présence de Jeanne d'Arc, morte sur le bûcher le 30 mai 1431 à Rouen, dérange la réacosphère.
Jeanne d'Arc appartient à tout le monde, pas seulement à l'extrême droite
Sur cette affiche, la sainte canonisée en 1920 tient un rainbow flag, le drapeau de la communauté homosexuelle. Et ça dérange les réacs de tout poil qui se situent à la droite de l'extrême droite.
Ils viennent même de lancer une véritable opération de harcèlement - c'est leur technique habituelle - auprès de la préfecture de la Seine-Maritime et de la mairie de Rouen.
Ils invitent « un maximum de monde » à les appeler pour exiger le retrait ou la modification de l'affiche. Ils demandent aussi « des excuses publiques pour avoir travesti et moqué sainte Jeanne d'Arc, personnage historique et public » et même « l'interdiction de cette manifestation. » Rien que ça !
Pour appuyer un peu plus leur démarche saugrenue qui a peu de chance d'aboutir, ils pointent également du doigt le slogan de la gay pride de Rouen qui, cette année, est « PMA-GPA pour tous - Droits des trans : assez de promesses, des actes ! » Histoire de ne pas se faire taxer d'homophobie...
On connaît la musique !
Je ne vois pas où est le problème avec la présence de Jeanne d'Arc sur cette affiche. Même si elle tient un rainbow flag. Elle appartient à tout le monde et pas seulement à l'extrême droite ! D'autant plus que le délit de blasphème n'existe pas en France, sauf en Alsace-Moselle qui est toujours sous le régime concordataire.
Une exception locale qui ne devrait pourtant plus exister et sur laquelle le législateur ferait bien de se pencher sérieusement...
Jeanne d'Arc était peut-être lesbienne
Cette polémique devient encore plus ridicule si on se penche d'un peu plus près sur le passé de ce personnage énigmatique qu'est Jeanne d'Arc, une des quatre saintes patronnes secondaires de la France.
Plusieurs historiens réputés ont émis l'hypothèse qu'elle était probablement lesbienne...
Le célèbre historien français Marc Ferro écrivait, dans les années 80 : « Parmi les livres que j'ai lus, il y en avait un, d'un Américain, qui expliquait qu'au fond, tout ce qui s'était passé dans la jeunesse de Jeanne d'Arc, le fait qu'elle ait quitté son père, qu'elle ait vécu au milieu des soldats, vierge(…) Elle était lesbienne tout simplement et son père voulait coucher avec elle comme ça se faisait en Lorraine au XVe siècle. Elle avait donc fui de chez son père et était allée se réfugier là où elle avait pu, habillée en homme, et voilà. Et c'est logique. Ce n'est pas une hypothèse prouvée, mais elle avait des pulsions lesbiennes.
»
« Toujours une ou plusieurs femmes partageaient sa couche »
Dans son « Histoire de Jeanne d'Arc, surnommée la Pucelle d'Orléans », parue en 1817, l'historien et homme de lettres Philippe-Alexandre Le Brun de Charmettes écrivait : « On n'a jamais ouïe qu'elle se soit entretenu avec aucun homme une fois le soleil couché. Toujours une ou plusieurs femmes partageaient sa couche. Elle préférait que ce fussent de jeunes vierges ; elle ne voulait pas coucher avec de vieilles femmes. »
Rien ne prouve que Jeanne d'Arc était lesbienne. Je le concède. Certains épisodes de sa vie sont toutefois assez troublants. Mais je ne peux m'empêcher de sourire rien qu'à l'idée de penser que l'extrême droite qui lui voue un véritable culte pourrait ainsi rendre hommage à une lesbienne chaque 1er mai...