Certes, écraseur ou égorgeurs, les djihadistes recherchent une notoriété posthume. Certes, dans l’évocation de leurs personnalités, reviennent souvent des descriptions pouvant entraîner la sympathie pour ce qu’ils furent avant de passer à l’acte. Assurément, cela peut produire un effet d’entraînement… ou, tout au contraire, d’avertissement, mise en garde, rejet de leur parcours.Mais comment alors, en ne les désignant même plus par des initiales, en occultant tout trait de personnalité, tenter de faire comprendre les mécanismes de radicalisation?
Et pourquoi alors ne plus nommer le C. (calife) d’on ne saurait plus trop bien où, auquel ils prêtent (ou non) tardivement allégeance?BHL a la plume agile – parfois pour peaufiner et mieux "ambiancer" les suggestions de ses co-auteurs anonymes – et beaucoup plus digeste et argumentée que la propagande de l’État islamique, accordons-lui ce crédit. Il en appelle aux "ingénieurs de l’Opinion", dont il se campe en mentor, pour qu’ils renoncent à "feuilletonner sur l’infâme". BHL n’est pas avare de néologismes, ni surtout, d’opportunisme pour faire parler de lui, apparaître en photo, occuper le terreau médiatique.
Mais extrapolons. Pourquoi encore nommer Néron, Erzebeth Bathory, Hitler ou Amin Dada, Kim Jong-un, et autres Staline, autrement qu’à mots couverts?
Un Landru a-t-il fait des émules? Assurément... Mais de moindre envergure, du moins, en France, puisque d’autres, hormis son prédécesseur, Jack the Ripper, ou postérieurs, en Russie ou ailleurs, méconnaissant sans doute son existence, ont fait beaucoup plus de victimes. À quoi bon le rayer de la chronique fait-diversière?"Il faut un grand accord entre Médias réduisant au strict inévitable l’évocation des figures du crime".Ah, serait-ce la résultante de n’avoir pu, dans le très oiseux Qui a tué Daniel Pearl?
(2003), pu identifier Khalide Cheikh Mohammed, le Pakistanais qui, quatre ans plus tard, a revendiqué la décapitation du journaliste américain à Karachi?BHL est conscient que les réseaux "prétendument sociaux"se chargeront de lever l’anonymat observé par les médias. Pourquoi ne pas le considérer, alors que cela alimentera encore davantage le credo complotiste voulant que ces derniers cachent tout et ne nous disent rien, sont en totale collusion avec les pouvoirs politiques et financiers, et pourquoi pas stipendiés par l’extrême-droite israélienne, les Illuminatistes, le cercle Bilderberg, ou les gülanistes turcs?
Évoquer un Octave Mirbeau "saisi d’effroi"par le terrorisme d’un Ravachol est cocasse lorsqu’on se souvient que l’écrivain avait promu une souscription pour venir en aide aux enfants d’un complice du poseur de bombes visant, dans les années 1890, des magistrats. Mais user de références littéraires lointaines, que des journalistes pressés ne vérifieront pas, est supposé conférer de la crédibilité.Notons au passage que BHL emploie "la fin des années 90 du siècle précédent"pour évoquer, non la décennie 1990, mais celle des Mirbeau, Jarry ou Mallarmé, au siècle pénultième. Mais on ne rectifie pas, à Libération ou ailleurs, la prose d’un tel penseur.BHL invente même qu’une partie de la presse italienne avait fini par ne plus du tout ("black-out", écrit-il) relater les agissements des Brigades rouges et autres "groupes armés".
Une mesure "trop radicale", concède-t-il. Lui qui fait profession d’ersatz de reporter de guerre devrait se cantonner à l’actualité heureuse: genre vente du muguet du premier mai. On pourrait disputer à l’infini de la publicité accordée aux terroristes, sans jamais pouvoir conclure. Mais BHL le fait pour tous en incitant à "renvoyer les djihadistes à la nuit des ‘hommes infâmes’". Formule bien sentie, mais creuse, suscitant de rares commentaires mitigés, ce qui marque bien que son auteur soit pris pour ce qu’il est: un phraseur, davantage préoccupé par son auto-promotion que de tout autre chose.