Dès son dernier déjeuner avec Nicolas Sarkozy, François Fillon savait que son renvoi direct devant un tribunal par le parquet financier ou devant un juge d'instruction (trois ont été désignés, sans doute pour dissocier les abus de biens sociaux des autres chefs de mise en examen) était programmé. Comment contrer l'annonce contredisant ses dires multiples comme quoi en 41 ans de vie publique (il fut attaché parlementaire à 22 ans), il n'avait rien, jamais, au grand jamais, commis de délictueux ? Ni emplois fictifs, ni trafic d'influence (volet Axa et autres) via son cabinet 2F Conseil.
Selon les propos des proches de Nicolas Sarkozy rapportés par Le Canard enchaîné, l'ex-président lui aurait conseillé de multiplier les déclarations d'intentions, les promesses électorales, &c. Ce fut d'abord la mesurette de l'abaissement de la majorité pénale à 16 ans. Soit une vague extension des dispositions existantes dont les mineurs déjà condamnés et leurs parents n'ignorent rien. Cela ne figurait pas plus dans le livre de François Fillon que dans son programme. Pour la dernière en date des annonces, en faveur des agriculteurs, il y avait déjà des dispositions générales fort peu détaillées, voici du Donald Trump : abroger les normes de production, négliger les retombées environnementales.
Et pour ne pas trop "trumpiser" trop ouvertement, prévoir les conséquences de cette abrogation : créer un "compte épargne aléa climatique". Soit d'un côté favoriser les conditions des dits aléas, mais protéger les fautifs de l'autre (sauf qu'on ne sait trop qui abondera ce compte et comment : les agriculteurs responsables ou l'ensemble des contribuables seront-ils pénalisés pour indemniser les irresponsables ?).
Le scénario est rôdé, la tournée bien huilée : une semi-nouveauté, ou un promesse (applicable ou non, comme l'inscription du prix d'achat des produits agricoles sur les étiquettes) par intervention. Exit le Penelopegate, jusqu'aux lendemains du premier tour, ou jusqu'après 2017 en cas d'accession à l'Élysée.
Pas délictuel
Selon Gérard Longuet, la manière dont François Fillon a géré ses assistants parlementaires n'est pas "sur le fond" délictuelle.
Dans sa dernière édition, Le Canard enchaîné est revenu sur les salaires dérisoires des autres assistants dont le faible montant fut compensé par d'autres emplois, presque tous azimuts, à multiples râteliers, rémunérés par divers employeurs. C'était la méthode Fillon à Matignon : pomper sur les budgets des autres ministères pour rétribuer des collaborateurs ou couvrir des frais. De toute façon, hors domaine de la Défense, le parlementaire Fillon ne s'est guère illustré et on ne le voit presque jamais dans sa circonscription parisienne. Gérard Longuet a évité d'évoquer le volet abus de biens sociaux (Revue des Deux Mondes) du Penelopegate et les magistrats instructeurs auront du grain à moudre avec d'autres que Penelope Fillon.
Mais ils respecteront le secret de l'instruction, ce qui est l'essentiel pour le candidat. Lequel ne peut plus espérer que rogner des voix à Marine Le Pen ou au tandem Macron-Bayrou. Car pour l'électeur de gauche, après le coup de l'ennemi de la finance du candidat Hollande, accorder foi aux promesses du Front national ou du parti Les Régaliens (LR) fillonistes tient de la gageure. En cas de duel FN-LR, ils opteront pour le vote nul, l'abstention, ou la candidate la plus susceptible d'être contrainte à une cohabitation… Cela ne fait guère froncer les sourcils de François Fillon pour qui repousser le règlement d'éventuelles amendes compte tout autant que son devenir politique.