Erik Emptaz, qui signe l'édito du dernier Canard enchaîné, reste confraternel à l'égard d'Olivia Recasens, Didier Hassoux et Christophe Labbé, auteurs de Bienvenue place Beauvau. Mais relève ce bémol : le reproche qu'on peut leur faire serait – "outre leur vision policière de la politique" – de "ne pas avoir suffisamment étayé leurs accusations". Qu'à cela ne tienne, l'ouvrage fait l'objet d'un retirage aux éds Robert Laffont, ou plutôt d'une réédition augmentée : "le scandale du Penelopegate vient d'éclater (…) Mais cette fois, le supposé cabinet noir de l'Élysée n'y est pour rien".
Ajout opportun. Les auteurs ont soupesé ce "supposé" après s'être récriés publiquement : rien n'atteste de son existence. Mais il est certain que, fort de son expérience de proximité avec l'Élysée de Nicolas Sarkozy (fortement détaillé aussi par l'enquête des coauteurs), François Fillon y croyait dur comme fer. C'est d'ailleurs pourquoi Le Canard enchaîné rapporte ces propos de Brice Hortefeux, qui, que l'on sache, n'a rien démenti. "Fillon est certainement sincère. Il croit tellement à ce cabinet noir qu'il est allé voir Jouyet [secrétaire général de la présidence] pour lui demander d'accélérer les procédures judiciaires contre Nicolas Sarkozy". Et si ce n'est pas un verbatim, il suffit de retrouver dans les archives des propos similaires du même ou de consulter les nombreux sites ou pages Facebook des groupes sarkozystes.
François Hollande avait d'ailleurs confirmé en insistant : contrairement à ses prédécesseurs, il n'est jamais intervenu dans la moindre procédure judiciaire (la grâce partielle accordée à Jacqueline Sauvage intervint après clôture de la procédure). Didier Hassoux a été formel lors d'un entretien avec France Inter : "ce cabinet noir n'existe pas".
S'il avait existé et fut dévoilé, les éditions auraient évidemment gonflé le tirage initial qui n'aurait jamais été épuisé sans les bons soins gracieux de Valérie Pécresse et de François Fillon et quelques autres vociférant qu'il justifiait un éclairage judiciaire. S'il avait existé, il y a belle lurette que Le Canard et Mediapart se seraient fait devoir d'en révéler, au moins partiellement, la composition.
Et qu'un parlementaire frondeur bien renseigné se serait empressé d'en débiner au moins l'une ou l'un des membres… Gérard Larcher, Laurent Wauquiez, d'autres encore, soutiens "affichés" mais "non alignés" de François Fillon, tout comme Jean-Pierre Raffarin avant eux, ont réfuté toute idée de complot ou de cabinet élyséen occulte.
La tentation de dégager Fillon
Ce n'est d'ailleurs pas le fameux cabinet noir que NKM a contacté pour obtenir un passe-droit assurant la promotion de son ex-époux, Jean-Pierre Philippe, qu'elle voudrait voir promu conseiller financier de l'ambassade de France en Grèce. On ne sait quelle monnaie d'échange elle a pu ou non proposer. La candidate au remplacement de Fillon dans sa circonscription parisienne redoute le soir du premier tour : battu, son champion ayant déjà renié sa parole pourrait oublier sa promesse.
D'où la tentation de sonder le Conseil constitutionnel pour savoir si la date de l'élection pourrait être repoussée en cas d'empêchement du candidat de LR et de ce qu'il reste de l'UDI. Le fol espoir de dégager François Fillon subsiste. Le couple Fillon reste flegmatique : entendue 12 heures par les magistrats, Penelope Fillon est restée impavide. François Fillon veut croire qu'il sera hors d'atteinte de la justice pendant cinq ans. Mais nombre d'électeurs de gauche préféreront parier sur une cohabitation avec une Marine Le Pen intérimaire jusqu'au référendum sur l'UE et la zone euro plutôt que de lui offrir ce sursis. De toute façon, il faudrait 60 parlementaires pour tenter de repousser la date de l'élection ou que Gérard Larcher en fasse la demande.
Au cours de l'entre-deux tours, Fillon lâcherait l'éponge s'il devait affronter Marine Le Pen ? Allons donc… Il préférera couler avec une majorité de l'équipage. Le rival de Donald Trump ira au bout.