On ne sait qui vêt généreusement François Fillon depuis x années, mais on sait désormais qui a réglé, le 20 février dernier, deux costumes sur mesure pour un montant de 13 000 euros. Il s'agit de l'avocat Robert Bourgi, que Le Monde avait plusieurs fois contacté, et qui niait être le donateur. Le donataire, François Fillon, est désormais de nouveau poursuivi pour trafic d'influence. Un temps allégé, le Penelopegate a repris du gras. Le volet fiscal pourrait suivre.
Affaires africaines, libanaises, russes
Il y a-t-il un lien entre l'affaire des costumes (35 500 euros réglés en espèces au tailleur depuis 2012, plus ces 13 000 euros, sans compter sans doute d'autres dons) et le contrat passé par 2F Conseil avec le milliardaire libanais Fouad Makhzoumi ?
Lequel est l'un des plus importants fournisseurs mondiaux de tuyaux pour gazoducs et oléoducs ? L'enquête l'établira ou non. Ce qui semble sûr, c'est l'étendue des réseaux internationaux de François Fillon. Partenaire, sinon "ami" de Vladimir Poutine, il a sans aucun doute lié, par le truchement de Robert Bourgi, de nombreuses relations avec divers chefs d'États africains. Le "rebelle antisystème", comme il se définit à présent, qui subirait un "racisme anti-Français" qu'il dénonce, n'a sans doute pas avoir eu trop à souffrir des relations de l'avocat d'affaires. Né au Sénégal, dans une famille libanaise, Robert Bourgi, qui se dit musulman chiite alors que Fouad Makhzoumi est sunnite, est entré dans le monde de la "coopération" en 1986.
Coopération, à Dakar ou Abidjan, est devenue synonyme de magouille ou d'affaires peu nettes, dans le parler populaire. C'était un proche des affaires africaines sous Chirac puis Dominique de Villepin, et Nicolas Sarkozy a eu aussi recours à ses services. Il fréquentait les présidents Omar Bongo, Abdoulaye Wade, et reste dans l'entourage du président Denis Sassou-Nguesso.
On l'a dit à la manœuvre pour limoger Jean-Marie Bockel, ministre dit d'ouverture, chargé de la coopération et de la Francophonie. Il n'a jamais dissimulé être un porteur de valises bourrées de billets. Il a aussi ses entrées à Téhéran. Pourtant soutien de Nicolas Sarkozy lors de la primaire de la droite et du centre, il a très vite rallié François Fillon : les deux hommes se fréquentent depuis 2012 et Robert Bourgi fut le principal organisateur de la tournée africaine de l'ex-Premier ministre, l'année suivante.
Aux divers chefs d'accusation s'ajoute désormais, dans les dossiers du juge Tournaire, un "supplétif" pour trafic d'influence. Mais le candidat se disant victime d'un complot médiatique n'est plus trop malmené par Le Figaro. Cherchez sur son site "Bourgi", vous retrouverez un article datant d'avril 2016. Cherchez "Makhzoumi", vous ne trouverez qu'une homonyme (Jihane), compagne d'un certain Eddy Leroux, converti à l'islam sunnite. Cherchez "Penelopegate", les derniers articles remontent à début février dernier. Mais comme Le Parisien avait révélé que Charles et Marie Fillon remboursaient leurs père et mère, Le Figaro avait jugé bon (ou plutôt incontournable) de titrer "les étranges virements des enfants Fillon", le 14 mars dernier. Bah, pour François Fillon, le Penelopegate est derrière lui. Un peu comme un poisson d'avril avarié dont il ne sentirait plus l'odeur de... probité ?