Le départ du ministre de la Transition écologique et solidaire a soulevé une problématique plus profonde : celle de la compatibilité entre capitalisme et écologie. La finance verte en détiendrait-elle la réponse ?

Entre capitalisme et écologie, faut-il vraiment choisir ?

En quittant avec perte et fracas son poste de ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot a reconnu son incapacité à réconcilier pouvoir et écologie. Alors que les dossiers chauds s’accumulent à l’hôtel de Roquelaure – Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC)… –, le départ de l’ancien animateur télé place les acteurs de l’écologie et de l’énergie dans une période transitoire.

Un flou politique que Laurence Berthelot-Maruzzi, directrice associée du cabinet de conseil ORESYS, décrit comme assez inconfortable. « Les acteurs de l’énergie sont très sensibles aux évolutions d’orientations, de réglementation, qui peuvent impacter leur business model ou leur stratégie d’investissement, explique-t-elle dans une tribune aux Échos. Selon elle, la transition écologique et le développement durable sont au coeur des inquiétudes et ce, en raison des effets du réchauffement climatique. Rapprocher les sphères économique et écologique est un pari dans le secteur de l'énergie car l'axe environnemental nécessite des orientations à plus long terme qui peuvent parfois être « en décalage avec les mesures de sécurité de fourniture énergétique.

»

Le compromis est-il possible pour parvenir à un fonctionnement gagnant-gagnant entre l’économie de marché, dont il est difficile de ressortir, et l’écologie, souvent associée à la décroissance ? Dans sa chronique du mercredi 29 août sur France Inter, Dominique Seux s’interroge justement sur cette compatibilité entre transition écologique et capitalisme, qui serait à l’origine du départ de Nicolas Hulot.

« Avec de puissantes incitations et obligations, seul le capitalisme a les moyens d’investir, d’innover, de trouver les compromis entre la science et de nouveaux modes de vie. Ce sont des entreprises qui inventent, et le solaire de demain, et les véhicules électriques, dont on aura encore besoin pour se déplacer, analyse-t-il.

[…] Ceux qui veulent la décroissance disent non à la baisse du pouvoir d’achat que provoquera le renchérissement des prix des biens agricoles ou industriels fabriqués plus près. Oui, il y a urgence à refroidir l’économie, mais chaque camp devra gérer ses contradictions. » Mais peut-on être en même temps pro-planète et pro-business ?, s’interrogeaient le même jour les invités de l’émission Soir Première sur la RTBF.

La solution de la finance verte

Pour Philippe Zouati, président de l’initiative Finance for tomorrow, ces aspirations ne sont pas incompatibles, et le constat d’échec de Nicolas Hulot est surtout la conséquence de son manque d’intérêt pour l’économie. La réflexion qui doit être menée pour comprendre les motivations de la démission de Nicolas Hulot est tout simplement celle de savoir « comment on considère l'écologie ».

Toute la question est de savoir si l'écologie doit être un élément central ou simplement une contrainte gênante à laquelle il faut s'accoutumer. Dans le premier cas, il conviendrait de mener une réforme en profondeur et repenser notre modèle économique. Ainsi, toujours selon Philippe Zouati, le fait que Nicolas Hulot soit considéré comme un « homme providentiel » sert à faire passer des messages sans que cela ne suffise pour autant. Aussi le choix du prochain ministre de la transition écologique et solidaire devrait être tourné vers cela pour que « l’écologie devienne un élément-clé dans la transformation de notre modèle de production. C’est vrai pour la finance, comme pour tous les secteurs de l’économie. » Citant le One planet summit et le Climate finance day comme autant d’avancées pour l’économie et l’écologie, Philippe Zouati estime que la finance verte a un grand rôle à jouer dans le capitalisme français, même s’il faut en faire plus.

Avec Pascal Canfin, directeur de WWF, il travaille d’ailleurs au « développement de mécanismes de garanties publiques de partage des risques pour financer la transition écologique ».

Depuis le premier emprunt obligatoire de la Banque européenne d’investissement (BEI) en 2007, les « green bonds » ont progressivement pris une part de plus en plus importante de l’économie mondiale, pour aujourd’hui peser plus de 170 milliards de dollars. S’ils représentent seulement 0,1 % de l’ensemble du marché obligataire sur la planète, les financements verts ont gagné le portefeuille des banques, des groupes privés et publics, qui veulent diversifier leurs actifs tout en soutenant la lutte contre le réchauffement climatique, et depuis peu les États, qui commencent à y investir des capitaux importants.

« Les acteurs du financement de l’économie privilégient de plus en plus les investissements qui favorisent une croissance bas carbone. Ils intègrent désormais dans leurs choix d’allocation des critères environnementaux, sociaux, sociétaux et éthiques » constate par exemple Xavier Girre, Directeur exécutif en charge de la direction financière groupe chez EDF. Première à émettre un green bond souverain de taille significative avec 7 milliards d’euros en janvier 2017, la France fait toujours figure de leader européen et troisième nation mondiale dans la finance verte. En juin dernier, elle a lancé avec succès sa première OAT (obligation assimilable du trésor) pour une valeur de 9,7 milliards d’euros.

D’autres États européens vont même plus loin en désengageant leur fonds souverain de toute forme d’énergie fossile, comme l’Ireland Strategic Investment Fund (9 milliards d’euros d’actifs), qui devra ainsi céder 318 millions d’euros de participations d’ici cinq ans. Une manière concrète, assurément, de montrer que la finance, contrairement aux préjugés qui l’entourent, peut faire du bien à la planète.