Le jeu de la main chaude consiste à recevoir des coups. Il faut croire que François Fillon les cherche. Alors qu'il invoque le serment du Jeu de Paume, même ses partisans se demandent si la fortune familiale lui importe plus que l'avenir du pays et surtout que celui des candidats investis par ses "régaliens" (LR, devenu Les Régaliens, parti du seul François Fillon).
Question prioritaire ou secondaire ?
La QPC, question prioritaire de constitutionnalité est désormais invoquée. Cela peut se discuter. Le 20 juin 1789, le tiers état ovationne Mirabeau qui, au Jeu de Paume, s'exclame : "Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n'en sortirons que par la force des baïonnettes".
Avec d'autres députés du tiers, il rédige une motion : "La personne de chaque député est inviolable ; (…) tous particuliers (…) tribunal, cour ou commission qui oseraient poursuivre, rechercher, arrêter ou faire arrêter, détenir ou faire détenir un député, pour raison d'aucune proposition, opinion ou discours par lui faits aux États généraux (…) sont traîtres envers la nation et coupables de crime capital." Passons sur le fait que l'embauche d'une collaboratrice n'est pas tout à fait une proposition de loi, sur la révision constitutionnelle de 1995 qui autorise les poursuites y compris lors des sessions et la mise sous contrôle judiciaire mais interdit toujours la détention jusqu'à fin du mandat ou levée de l'immunité.
Mais c'est bien, à présent que le parquet financier n'a pas voulu se dessaisir ou mieux, classer sans suite, ce dont il est question. Dans un premier temps, François Fillon, ne doutant de rien et surtout pas de lui-même, imagine que sa parole suffit. Dans un second, il persiste, rend publics divers documents. Ce n'est seulement que dans un troisième, constatant que ses talents d'illusionniste ne font pas taire les critiques, qu'il invoque l'incompétence du Parquet national financier.
C'est une vraie question puisque deux éminents constitutionnalistes, Pierre Avril et Jean Gicquel, cosignataires de nombreux essais valant manuels, abondent à présent, dans Le Figaro, en son sens. Pour les collaborateurs parlementaires, le député ou sénateur dispose d'un crédit pour en recruter un ou jusqu'à cinq, "dont il fixe librement le salaire, sauf écrêtement pour les membres de la famille" et "l'objet de cette collaboration est librement déterminé".
Restons-en là. Le parlementaire peut donc recruter jusqu'à cinq petites mains, leur assigner pour lieu de travail une cave, et les faire travailler aux pièces pour une marque de prêt à porter. Est-ce bien, docteurs, ce que vous préconisez ? Depuis le premier février dernier, le brut mensuel d'un député s'élève à 7 185,60€. Est incluse l'indemnité de résidence (167,43€), suffisante pour louer une cave en banlieue mancelle. Il faut déduire des cotisations de retraite et d'autres. Mais c'est bien le total qui est abondé par l'impôt. S'ajoutent les prestations familiales, et aussi 5 770€ dont l'emploi est laissé à discrétion d'un député (de quoi acheter du fil et des tissus). Il va de soi que le député pour défalquer du salaire le loyer du galetas mis à disposition du collaborateur dans la cave.
Est-ce bien cela, Monsieur Fillon, docteurs, ce dont il est question ? Total brut, pour un député, pour les contribuables, hors prestations familiales : 12 955,60€. Il y a 905 parlementaires (dont des présidents de ceci ou cela, revenant beaucoup plus cher). De quoi faire travailler librement à la pièce et sans contrôle 4 525 collaborateurs. Qui pourront bénéficier de stages de formation à la coupe, au montage, &c. La question n'a plus rien de secondaire. Elle est de nature à discréditer les députés LR, voire à faire descendre dans la rue, comme en Roumanie. "Suis-je pour autant quitte sur le plan moral ? (...) c'est aux Français de décider" : il faut comprendre, aux seuls Français qui ne sont pas magistrats. Dans ce cas, il conviendrait d'avoir toutes les pièces authentiques pour en décider sur Fillon2017. Attendons.