Selon Libération, le juge Serge Tournaire dirigera les investigations et les auditions du Penelopegate. Ce magistrat vient de déférer Nicolas Sarkozy en correctionnelle dans l'affaire Bygmalion et il siège au pôle financier depuis 2009. Il prendra certes son temps, mais retournera tous les coins et recoins des diverses affaires, entendra tous les "x" (personnes qui pourraient être, de près ou de loin, impliquées), et creusera les cinq chefs de mise en examen, à savoir :
- détournements de fonds publics : cela peut viser tant François Fillon que son épouse Penelope et deux de ses enfants, Marie et Charles ;
- abus de biens sociaux : est visé Marc Ladreit de Lacharrière, employeur de Penelope Fillon à La Revue des Deux Mondes, lequel fut décoré par François Fillon (Grand-Croix de la Légion d'honneur) ;
- complicité et recel de ces délits : la famille Fillon a obtenu des fonds publics ou privés et a reconnu les avoir soit prodigués, soit utilisés ;
- trafic d'influence : cela peut se rapporter aux activités du cabinet 2F Conseil dont François Fillon était seul dirigeant et salarié et peut-être l'obtention de la décoration de Ladreit de Lacharrière ;
- manquements aux obligations de déclaration à la Haute Autorité sur la transparence de la vie publique : cela ne concerne que François Fillon… Le pluriel interpelle.
Bris de mots
Pour François Fillon, le Penelopegate n'est plus un sujet à évoquer.
Dans la ville centre de la production du brie de Meaux, fief de Jean-François Copé, il n'a pas trop eu à s'en soucier. Des militants de France insoumise l'ont certes accueilli, mais sans cris ni casseroles. Il a donc pu serrer les mains de la cinquantaine de sympathisants venus le saluer sans avoir à s'engouffrer précipitamment dans l'espace Caravelle pour présider une table ronde associative. Il a annoncé son intention d'obliger toutes les villes de plus de 10 000 habitants "d'une police municipale armée" et disposant des prérogatives de police judiciaire incombant à la police nationale. Rien pour les gardes champêtres ? Cela viendra sans doute si François Fillon se rend dans une petite localité… Quant aux répercussions sur les impôts locaux, il sera temps d'y penser plus tard.
Lors de sa visite au salon de l'Agriculture, prévue le mercredi des Cendres (que Christine Boutin l'incite à avancer au Mardi-Gras pour n'avoir pas à rompre le jeûne des Cendres), il trouvera bien une mesure supplémentaire à faire valoir. Le bris des mots et des propositions originales, voire insolites, couvre le bruit de fond du Penelopegate.
Personne n'a évoqué d'autres fromages lors de la réception, par la Confrérie du Brie de Meaux, à la maison homonyme. Pour Guillaume Tabard, du Figaro, "Fillon fait le pari du régalien pour combler son retard". Les Régaliens (LR), qui restent accrochés à leur candidat, s'en réjouissent. Pour l'opinion, bientôt saturée d'annonces et de promesses de la part du candidat, qui attend toujours les dépôts de plaintes en diffamation contre Le Canard enchaîné de la part de François Fillon et de Thierry Solère (son porte-parole, lui aussi objet de l'attention judiciaire), l'intérêt pour le Penelopegate s'estompera.
Le juge Tournaire est l'un des plus discrets et taiseux de la magistrature. Mais elle laissera des traces, comme sur le site Fillon2017 où l'entretien avec Penelope Fillon (datant du 11 oct. dernier, avant le Penelopegate) reste significatif. Elle appelait à aménager le temps de travail des femmes dont "la charge de travail est double" en développant les mi-temps et le travail à distance. Sans perte de rémunération, évidemment.