Il était assez prévisible que l'obstination de François Fillon n'allait pas suffire. Ce pour deux-trois raisons. Car l'affluence place du Trocadéro n'a rien à voir avec celle revendiquée (allez, à tout "caser", 38 000 participants, et non 200 000, voire 300 000 comme s'en est auto-persuadé Bruno Retailleau, la jauge maximale étant de 40 000). Car les sondages donnent François Fillon soit en baisse, soit quasi-stable. En tout cas ancré à la troisième place du premier tour. Et puis, faire état d'un présumé suicide fictif de son épouse, Penelope, cela fait faux dur, naïf, voire laisse sans voix.

Il était assez prévisible qu'Alain Juppé ne puisse croire encore à son éventuelle victoire. Car pourquoi se prononcer avant la réunion du comité politique de LR, alors qu'un candidat adoubé aurait pu attendre la photo de famille, demain matin, autour de lui ? Il lui fallait une large onction, ne pas avoir l'air de forcer la main aux réticents (ce n'est pas que de François Fillon qu'il s'agit). Le Penelopegate n'a pas signé la fin de sa vie politique : croit-on qu'en cas de cohabitation Fillon retrouverait Matignon ?

Le Penelopegate augmenté

L'accroche Penelopegate fut dès ses origines un Fillongate. François Fillon, un type hautain, comme il s'était révélé à Matignon, trop sûr de lui, auquel, en 41 ans (et non 36 comme il le soutient) de vie politique, tout aura réussi.

S'il conserva si longtemps Matignon, c'est que tout passait par l'Élysée. S'il avait démissionné à temps, pour défendre ses convictions, il pouvait se hisser à la hauteur de la posture du véritable homme d'État qu'il tente mal d'incarner à présent. Mais il passe désormais pour un imposteur aux yeux des deux-tiers de sa famille politique élargie à l'UDI.

Les quelque 320 élus l'ayant prié de se retirer ne peuvent guère se dédire (voir les deux premières listes ici et là : les lâcheurs qui ont quitté Fillon, la mise à jour sur Libération). Il est moins intéressant de les classer par affinités avec Le Maire, Sarkozy, Copé ou telle ou tel, mais par régions : Grand Est, où on ne badine pas avec la probité, Grand Ouest où on peut difficilement se passer des centristes (sans préjuger des motivations très proches de celles exprimées en Alsace où le centre n'est pas plus négligeable).

Or, l'UDI, qui redoute sa recomposition sous l'égide d'Emmanuel Macron, ne veut plus entendre parler de François Fillon, et introduit Jean-Louis Borloo moins en candidat (en dépit des déclarations) qu'en médiateur. Cela retardera peut-être qu'il cède aux avances d'Emmanuel Macron. De toute façon, tous les retournements en vue des législatives restent possibles, dans le désordre ou un semblant d'ordre. Alain Juppé a clos le tierco en picador, les banderilleros se bousculent, en cuadrillas éparses, personne ne s'accorde vraiment sur le nom du toreador, novillero ou chevronné. Ce qui est sûr, c'est que François Fillon reste dans l'arène oreilles et queue dressées, mais les sent-il encore ? Autiste, peut-être pas : mais il s'est tellement amidonné qu'on en vient à se demander s'il ne s'obstine plus que pour préserver le reste, ses attributs, soit ses revenus.

La réunionite aiguë a dominé ce lundi, il en sera de même demain. Ce n'est pas de sauver ou achever François Fillon qu'il s'agit, mais d'enrayer le déport vers Emmanuel Macron ou Marine Le Pen de l'électorat de droite et du centre-droit. Un Fillon déposé jetterait trop de monde dans les bras du Front national, un Fillon maintenu (même "épaulé" par un "ticket" de ralliés compatibles) entraînera une forte partie d'un électorat déconcerté, voire outré, vers Emmanuel Macron. En vue des législatives, la perspective d'une très vaste impasse peut être préférée à celle d'un cul-de-sac s'étrécissant. Fillon se situe entre 17 et 19 points (la marge d'erreur étant de cinq) : quoi qu'il advienne, sauf coup de théâtre, il resterait troisième. C'est pourquoi l'UDI a posé un ultimatum à LR. Pour le moment, Fillon n'a récupéré que Gérard Cornu, député de Chartres.