Depuis plusieurs années, le géant suisse du ciment était pressé de questions à ce sujet, car on se doutait bien que quelque chose ne tournait pas rond, quand il a décidé de maintenir sa production en Syrie malgré la guerre civile et celle avec l'Etat Islamique. L'une de ses usines est finalement tombée aux mains des djihadistes entre 2013 et 2014, et le groupe a, pendant ces deux années, versé de l'argent aux terroristes afin qu'ils lui autorisent à continuer sa production. Autrement dit, l'industriel du ciment a fait un pacte avec le diable, pour éviter une simple baisse de son chiffre d'affaires.

Vieille affaire

Ce site industriel a été acheté par Lafarge en 2007, donc l'histoire ne date pas d'hier, elle remonte à 10 ans. Puis, inauguré en 2010, il a commencé à produire du ciment en quantité, et n'a pas cessé malgré le début de la contestation du pouvoir de Damas en 2011. La direction souhaitait en effet limiter le plus possible les retombées économiques d'une fermeture provisoire de l'usine, même pour cause de guerre. Le gouvernement syrien, de toute manière, a laissé la paix à cette usine, qui produisait encore du ciment en 2013. Sont alors arrivés les djihadistes du nord-est de la Syrie, qui se sont emparés de la ville de Jalabiya en même temps que de l'usine qui l'avoisinait. Les employés étaient menacés par les djihadistes et risquaient donc à tout moment de cesser leur activité, ce que Lafarge n'a pas accepté.

Ainsi, le groupe industriel a versé de l'argent aux soldats de l'Etat Islamique en échange de leur promesse de laisser en paix les employés et d'autoriser le maintien de la production.

Lafarge ne reconnaît toujours pas, aujourd'hui, que l'Etat Islamique était impliqué dans cette affaire. Dans un communiqué, l'entreprise a annoncé ses regrets d'avoir indirectement financé " des groupes armés." Elle a précisé s'en tenir aux conclusions temporaires de l'enquête, qui ne mentionne encore aucunement les djihadistes.

Le groupe a lui-même qualifié d'inacceptables les conditions exigées par ces groupes armés, sans se condamner nommément. De plus, selon une enquête plus approfondie de journalistes, qui ont eu accès à des échanges de mails, la direction du site de Jalabiya était en communication avec la direction générale de Lafarge au moment de l'invasion djihadiste, et donc aurait eu son aval dans cette décision. Bref, l'industrie a financé le terrorisme, et presque sans remords.