Au pays de l'habeas corpus, dans ceux du Commonwealth, c'est avec une stupeur effarée que la riposte de F. Fillon contre la magistrature, les policiers, la presse, a été accueillie. Si sidérant que cela laisse, pour l'instant, sans voix les éditorialistes, digérant ce qu'ils ne pourraient imaginer en leurs pays. Dans le monde hispanophone, en particulier en Amérique latine, ou dans l'Espagne moins éloignée de la dictature de Francisco Franco que la France du régime du maréchal Pétain, les choses sont claires. Pour La Rioja, "François Fillon est un cadavre politique".
Car déserté par des alliés politiques, accablé par le Penelopegate, mais surtout parce qu'il s'en prend à un État de droit qu'il fut si difficile de rétablir en de nombreux pays. En pays nordiques, ou germanophones, c'est de même l'incompréhension. La France, "pays des droits de l'Homme", "mère des arts, des armes et des lois" (du Bellay), à ce point engluée ? Sin Morzada s'attarde, incrédule, sur le billet du Canard enchaîné rapportant que tant sa rédaction que celle de… La Croix, croule sous les lettres et les courriels injurieux ("pourritures abjectes de journalistes véreux"). La base de François Fillon s'en prend aux "journalopes gauchiasses". D'où le parallèle entre le Front national, l'extrême-droite hors les murs, la fachosphère, et les partisans de François Fillon qu'il incite à descendre dans la rue (manifestation dimanche place du Trocadéro à Paris).
C'est une certaine idée d'une France en soubresauts soulevant des remugles que l'opinion étrangère découvresi similaire aux États-Unis de Donald Trump. Rappelons que, quand Le Canard enchaîné reçoit l'avertissement "vos jours sont comptés", au Québec, un jeune homme est passé à l'acte, tuant des musulmans dans une mosquée.
Médias du Kremlin perplexes
Que mettent en relief les médias russes ? Pour Sputnik News, c'est "Bang-bang, Macron prend un œuf en pleine figure au salon de l'Agriculture". Rien en page d'accueil sur François Fillon. Russia Today tape sur Macron, mais semble plus "équilibré". C'est "François Fillon demande aux Français de le suivre".
Factuel… D'apparence. Car il est fait belle part à Éric Verhaeghe, qui justifie tous les propos de François Fillon, et une accroche renvoie à l'article "Emmanuel Macron protégé médiatiquement, François Fillon 'pas un homme du système'". L'UDI suspend son soutien à la campagne du candidat LR ? C'est au conditionnel et "selon Jean-Christophe Lagarde". Lui seul ? Il est toutefois signalé que "Bruno Le Maire abandonne François Fillon, suivi par d'autres cadres républicains". Mais la conclusion de la désaffection est offerte à Nicolas Dhuicq pour lequel Le Maire "n'a aucune connaissance en politique étrangère et (…) n'a suivi (…) que son propre intérêt". Le soutien de Valérie Boyer à François Fillon est largement développé.
François Fillon "candidat de l'étranger" comme les gaullistes le disaient de Valéry Giscard ? En partie seulement. Car il est aussi clair que lorsque L'Orient-Le Jour estime que "le discours de François Fillon a quelque chose d'immoral", qu'il fait penser "à la rhétorique employée par les dirigeants autoritaires du monde arabe", c'est en filigrane des positions du candidat LR sur Bachar al-Assad dont il est vraiment question. Cependant, l'annonce de la manifestation pro-Fillon porte le quotidien libanais à cette conclusion : "dans ce monde arabe, l'État de droit est le plus souvent une chimère, tandis que la guerre civile, elle, est parfois une réalité. Est-ce vers ce modèle que François Fillon souhaite que la France se dirige ?
". Prémonitoire ? Les haineuses missives de menaces reçues par Le Canard et La Croix pourraient le laisser présager. Restons circonspects : François Fillon n'a pas déjà vitriolé Valérie Pécresse, fait précipiter la voiture d'Estrosi dans un ravin, ni ordonné d'exécuter des magistrats au gaz sarin. Ce n'est qu'un justiciable qui se dépatouille comme il le peut du Penelopegate, plus maladroit que machiavélique.