Vendredi soir à minuit, tous les militants des deux camps en présence au second tour ont cessé de faire campagne. Plus aucune publication ni aucun partage sur les réseaux sociaux, plus de tractage à la sortie des bouches de métro, plus personne pour coller des affiches, plus de porte-à-porte : la campagne a officiellement pris fin. Si cette dernière, qui a duré près d'un an, a durement été jugée par les Français, elle a au moins pu apporter son lot d'idées nouvelles et de débats nouveaux qui continueront de cheminer dans les esprits jusqu'en 2022.
Participation en baisse au second tour
Les bureaux de vote, qui viennent d'ouvrir, constatent déjà une forte baisse de la participation à l'élection par rapport au premier tour. Décalage horaire oblige : le second tour avait lieu hier en Guadeloupe et en Martinique, où les présidents de bureau de vote ont remarqué la hausse de l'abstention. En sera-t-il de même en France métropolitaine aujourd'hui ? Selon les derniers sondages parus dans l'entre-deux tours, ce sera le cas, et l'abstention, combinée avec le vote blanc, devrait devenir ce soir l'un des premiers partis de France.
Travail
Les débats ont été nombreux concernant le travail, qui est une des priorités des Français à cause de l'explosion du chômage.
Pour certains, il fallait que les chômeurs acceptent des emplois lointains, moins bien payés, plus précaires, afin de retrouver à tout prix la voie du travail. Pour d'autres, il fallait leur verser un revenu universel, leur permettant de se défendre face aux conséquences du chômage de masse engendré par la révolution numérique.
Pour d'autres encore, il s'agissait avant tout de sécuriser l'emploi en faisant en sorte que les conditions de licenciement soient les plus difficiles pour les patrons ou en renforçant le pouvoir des syndicats. Dans un autre registre, il fallait, selon certains, donner la priorité aux Français dans l'accès à l'emploi en empêchant les étrangers de travailler sur le territoire national.
Institutions
Les représentants de la gauche ont pensé un réaménagement complet des institutions, en privilégiant le passage à une VIè République. Selon ces derniers, il fallait mettre fin aux articles abusifs de la Constitution, comme celui qui permet au Président de la République de s'emparer des pleins pouvoirs en cas de crise majeure, ou comme celui qui empêche, lors de l'évaluation du budget annuel, de proposer des dépenses supplémentaires. Ils souhaitaient avant tout faire entrer les citoyens dans la vie politique de la France en les intégrant par exemple dans le Sénat, ou en les faisant participer à une Assemblée nationale constituante. Dépassant les clivages, en revanche, l'idée d'un référendum d'initiative populaire, d'un 49.3 citoyen, ou de tout autre moyen d'exercer un contre-pouvoir par les citoyens, était portée par de nombreux candidats.
Cependant, dès lors que l'on quittait la sphère de la gauche, on s'intéressait peu à un gigantesque chantier institutionnel tel qu'une VIè République pour donner la priorité à d'autres préoccupations.
L'Europe et le monde
La question européenne était bien entendue au centre des intérêts de chacun lors de cette campagne. Tous ont constaté sa faiblesse, les réformes qui l'ont rendue impopulaire et qui ont déclenché le départ des Anglais. En revanche, tous n'ont pas proposé en retour les mêmes solutions face à la déperdition de l'Europe. De nombreux candidats étaient presque eurosceptiques et envisageaient de quitter l'Union européenne si elle n'écoutait pas davantage les revendications des Français et si elle continuait ses projets de loi impopulaires.
D'autres voulaient au contraire la renforcer en la modifiant de l'intérieur, en mettant fin à la technocratie dans ses institutions, au conflit d'intérêt et au lobbying permanent. Ils souhaitaient que l'on en rêve encore. Puis venaient ceux qui ne changeaient pas d'avis à ce sujet, et qui pensaient que l'Union européenne était très bien telle qu'elle était.
La place de la France dans la mondialisation a également été longuement discutée. Deux camps se sont opposés : les gagnants de la mondialisation et les perdants de la mondialisation. Certains, la considérant selon la définition de Fernand Braudel comme l'extension des pratiques capitalistes à l'ensemble du monde, l'ont dénoncée dans ses abus, sans pour autant appeler à la fermeture.
D'autres ont appelé au repli sur soi et au patriotisme économique face à la mondialisation. D'autres, encore, ont voulu qu'elle soit heureuse pour tous, et que plus personne n'ait à s'en plaindre.
Immigration et sécurité
Ces deux thèmes furent sensibles, et certains candidats les ont même liés, rapprochant la crise migratoire et l'insécurité en France. D'autres ont refusé la stigmatisation des migrants et cet amalgame entre terrorisme et immigration. Des mesures démagogiques ont été proposées, ultra-sécuritaires, mettant même en cause l'état de droit, pour faire face au terrorisme, quand on sait que l'état d'urgence a permis d'éviter peu d'attentats ces deux dernières années. Ainsi, certains ont voulu faire une France zéro immigration, d'autres l'ont tolérée mais avec des quotas, et d'autres encore l'ont acceptée sans restriction. Voici les thèmes qui ont permis de débattre pendant un mois.