C'était l'une des mesures-phares du quinquennat de François Hollande : le tiers payant devait être généralisé à l'ensemble des français à partir du 30 Novembre prochain. Il consiste, pour les médecins, à ne faire régler à leurs patients que le tiers de leurs honoraires, le reste leur étant versé directement par les mutuelles et la CPAM. Mais la nouvelle ministre de la Santé du gouvernement d'Edouard Philippe ne l'entend plus de cette oreille. Agnès Buzyn a avancé des "obstacles techniques" pour expliquer le retard dans la mise en place de ce nouveau système de remboursement des consultations et des soins.

Interrogée par le Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI ce dimanche 22 Octobre, elle explique qu'un dysfonctionnement informatique empêche, pour le moment, que les médecins soient correctement remboursés par les mutuelles complémentaires.

Pourtant, depuis la loi Santé de Marisol Touraine en 2016, certaines catégories de patients, comme les malades chroniques ou les femmes enceintes, bénéficient déjà, pour environ 70% d'entre eux, du tiers payant depuis le 01er Janvier dernier. D'autres, comme les patients les plus modestes, peuvent également réclamer le tiers payant auprès de leur médecin depuis 2015. Au total, ce sont 11 millions de français qui profitent de la mesure à l'heure actuelle, même si de nombreux médecins et dentistes refusent encore d'appliquer la réforme.

Ils craignent des retards dans les remboursements par l'Assurance Maladie et les mutuelles, et une augmentation des tâches administratives. Aucune sanction n'est toutefois prévue pour le moment contre les praticiens réfractaires. Quant au syndicat de la Fédération des Médecins de France, il parle de "déclaration de guerre" de la part de l'Etat, et appelle au boycott du tiers payant généralisé.

Un tiers payant généralisable, et non pas généralisé

Le nouveau président de la République et son gouvernement vont-ils décider de supprimer l'obligation pour les médecins d'appliquer le tiers payant ? Hier lors du Grand Jury, Agnès Buzyn a donné quelques précisions intéressantes. Elle répète d'abord les propos d'Emmanuel Macron pendant sa campagne électorale.

Ce dernier souhaitait en effet que le tiers payant soit "généralisable", donc optionnel, et non pas "généralisé". La ministre, qui déclare que ses services travaillent chaque jour sur le sujet pour respecter l'engagement du président de la République, se refuse de jouer sur les mots, et explique : "Généralisable veut dire que toutes les personnes qui en ont besoin puissent y accéder". On se dirige donc vers un tiers payant réservé aux foyers français les plus modestes. Pour la ministre, la généralisation du tiers payant telle que la souhaitait François Hollande, est irréalisable. "Nous devons poursuivre nos efforts pour en assurer une application effective partout, mais nous ne sommes pas prêts techniquement à l’étendre", conclue-t-elle, en s'appuyant sur un rapport de l'Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS).

Le problème des mutuelles complémentaires

Rappelons enfin que la loi rapportée par Marisol Touraine sous le dernier quinquennat avait déjà été corrigée par le Conseil Constitutionnel en Janvier 2016. Les médecins n'étaient alors plus obligés d'appliquer la mesure pour les mutuelles complémentaires. En effet, certains organismes mutualistes ont rencontré, dès la promulgation de la loi Touraine, de multiples problèmes techniques pour régler leur part aux médecins, dont la majorité se félicite donc aujourd'hui de voir le tiers payant généralisé disparaître grâce au gouvernement d'Edouard Philippe.