Edwy Plenel l’assure, quand Nicole Belloubet évoque la perquisition diligentée par le parquet de Paris dans les locaux de Mediapart, elle "ment radicalement". Invité mercredi sur le plateau de France 5, le directeur de la publication du site d’informations accuse l'exécutif de tentative d’influence, après la récente mise en lumière d’un enregistrement qu’il assure compromettant pour le pouvoir exécutif.

Dans les faits, Matignon a reconnu dès mercredi avoir transmis des éléments au parquet de Paris concernant les extraits d'enregistrements, révélés par Mediapart, d'une conversation entre Alexandre Benalla et Vincent Crase, en date du 26 juillet 2018.

Selon les services du Premier ministre, la réaction visait à se protéger de la rumeur qui voudrait que la conversation ait été enregistrée chez la cheffe du Groupe de sécurité du Premier ministre, connaissance de Benalla.

Dans le courrier envoyé le 1er février au parquet de Paris, il est en tout cas fait mention que les vérifications faites dans le sens de cette "allégation" n'ont pas permis de la confirmer. Si elle sera à l'origine du déclenchement de la perquisition à Mediapart, on assure à Matignon que la lettre visait tout juste à informer "en toute transparence" Rémy Heitz sur les éléments à disposition au ministère.

Instrumentalisation de la justice

Toutefois, du côté de Mediapart, on n'est pas convaincu des explications apportées par le gouvernement.

Rompu à l'exercice des investigations, Edwy Plenel assure même que la ministre de la Justice aurait menti devant l'Assemblée nationale mardi alors qu'elle répondait à une interpellation d'un député de La France insoumise : la garde des Sceaux avait réfuté la perspective qu'une "instruction" ait pu être donnée par ses soins au parquet de Paris.

Une version qui ne satisfait pas le journaliste qui estime qu'étant nommé par le chef de l'Etat, le procureur de la République de Paris, est directement soumis aux ordres de l'exécutif. De son avis, il apparaît surprenant que malgré la violation de leur contrôle judiciaire révélée par les enregistrements, Alexandre Benalla et Vincent Crase n'aient pas été placés en garde à vue.

Même indignation face à l'absence d'enquête sur la possible compromission de l'ancien chargé de missions de l'Elysée dans un contrat russe avec un proche de Poutine.

Une enquête préliminaire toujours en cours

Aucun doute à Mediapart, les intentions du gouvernement étaient d'effrayer les sources de la plateforme en ligne afin de les empêcher de dire davantage que ce qui a jusqu'ici été dévoilé ! Selon une source proche du dossier, c'est en tout cas à la suite d'éléments de clarification apportés par Matignon que le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire sur fond d'atteinte à la vie privée et de détention illicite de dispositifs susceptibles d'intercepter des conversations.

Nicole Belloubet a, pour sa part, estimé que la remise aux mains de la justice des enregistrements dévoilés par Mediapart était une bonne chose.

L'ancienne membre du Conseil constitutionnel a rappelé son ardent soutien à la liberté de la presse et aux droits qui s'y attachent. Elle s'offusque en revanche du dénigrement permanent dont la justice ne cesse d'être l'objet. Pas question donc de laisser dire tout et n'importe quoi alors qu'à Paris, on reste loin de Caracas.