Depuis quelques jours, Matignon est passé dans l'oeil du cyclone de la tentaculaire affaire Benalla. Jeudi, Marie-Elodie Poitout a démissionné de son poste de chef de la sécurité d'Edouard Philippe. Compagne de Chokri Wakrim, exécutant du contrat russe dans lequel l'ex-collaborateur de l'Elysée serait impliqué, la jeune femme espère préserver le Premier ministre de toute répercussion. Il faut dire qu'avec les révélations de Libération, les yeux de la presse se sont rivés sur la seconde jambe du couple exécutif qui semblait pourtant jusque-là épargnée par l'affaire.

On découvrait qu'Alexandre Benalla avait été reçu au domicile de la commissaire divisionnaire dans une période qui correspondrait aux enregistrements des bandes diffusés jeudi 31 janvier par Mediapart.

Et si la coïncidence a pu paraître troublante, Mme Poitout a tenu à assurer à l'AFP n'avoir jamais servi d'intermédiaire entre l'ancien chargé de missions et son acolyte Vincent Crase ! Une manière d'éteindre la polémique alors que les deux hommes, mis en examen dans le cadre des violences survenues le 1er mai dernier à Paris, étaient interdits d'entretenir le moindre contact.

Matignon sur le qui vive

Autour d'Edouard Philippe, on s'est contenté de saluer la décision de celle qui sera affectée au ministère de l'Intérieur, reconnaissant toutefois l'acuité professionnelle affichée dans l'exercice de ses missions.

Pas question à Matignon que ce dossier vienne empoissonner la relance des dossiers du gouvernement alors que le Grand débat voulu par Emmanuel Macron semble porter ses fruits.

Néanmoins, très discret jusqu'ici, le nom de Chokri Wakrim semble parti pour nourrir en profondeur la nouvelle séquence du feuilleton Benalla. Le militaire de 34 ans au parcours trouble a en effet tissé de nombreux liens avec l’ancien chargé de missions de la présidence.

Son implication dans le contrat de sécurité signé par Vincent Crase avec l’oligarque russe, Iskander Makhmudov, devrait tout particulièrement intéresser les enquêteurs mandatés par le Parquet national financier saisi depuis jeudi soir du dossier sur fond de "corruption".

Un lien qui dérange

Du côté de l'exécutif, c'est la possibilité de tisser un lien entre Alexandre Benalla et Matignon qui dérange.

Après quelques investigations et dans un courrier adressé au parquet de Paris le 1er février, le directeur de cabinet d'Edouard Philippe a transmis l'information selon laquelle Marie-Elodie Poitout aurait reçu dans son domicile Chokri Wakrim accompagné d'Alexandre Benalla. Ce sera d'ailleurs l'élément qui servira de base à l’ouverture d’une enquête préliminaire pour «atteinte à la vie privée», mais aussi "détention illicite de dispositifs" permettant d'intercepter des conversations. Une enquête qui conduira le parquet a tenté lundi une surprenante perquisition des locaux de Mediapart.

Le site d'informations en ligne avait révélé quelques jours auparavant des enregistrements datés du 26 juillet 2018 incriminant Alexandre Benalla et Vincent Crase.

Des bandes sonores dont l'origine reste encore inconnue. Pour sûr, ami commun de l'ancien collaborateur élyséen et de l'ex-cheffe de la sécurité du Premier ministre, Chokri Wakrim interroge. D'autant plus qu'il a été sollicité pour travailler sur le fameux contrat russe qui met en émoi la classe politique.