Lors de sa conférence de presse organisée jeudi à l'Elysée, Emmanuel Macron a donné le ton de l'acte II de son mandat. Le chef de l'Etat a présenté la vision qu'il entendait porter pour la France à l'issue du Grand débat qui s'est étalé sur l'ensemble du territoire national entre la mi-janvier et la mi-mars. Au menu, la démocratie, la fiscalité, l'éducation, l'immigration, mais aussi la décentralisation et la transition écologique, avec pour objectif clair de proposer aux Français une porte de sortie de crise du mouvement des Gilets jaunes qui dure depuis 5 mois.

Il faut dire que, dans son propos luminaire, le locataire de l'Elysée a noté que l'exercice inédit sous la Ve République aura été, pour lui, l'occasion d'apprendre de certaines réalités du pays, mais aussi auprès des premiers relais politiques de la société que sont les maires. Le président de la République souligne dans la foulée que les solutions dont la France a besoin ne doivent jamais aller chercher dans l’obscurantisme, moins encore dans le complotisme. Le sentiment d'abandon de nombre de ses concitoyens, il fait la promesse d'en venir à bout.

RIP revisité, Parlement réorganisé

Pour cela, il prend acte de la volonté exprimée par les Gilets jaunes de voir le citoyen prendre une place plus active dans les décisions de l'Etat.

Mais loin du RIC tant réclamé sur les rond points, Emmanuel Macron appelle à un allègement des conditions d'accès au référendum d'initiative partagée déjà présent dans la Constitution depuis 2008. Le déclenchement du processus pourra désormais se faire sous l'impulsion des citoyens moyennant un million de signatures, et celui-ci aura vocation à prospérer en projet de loi ou en référendum.

Dans le même temps, le chef de l'Etat veut promouvoir un droit d’interpellation des élus locaux via un mécanisme de pétitions dont les seuils de signataires restent encore à déterminer. Il annonce aussi qu'au courant du mois de juin, 150 citoyens seront tirés au sort pour former une assemblée de la participation citoyenne afin de donner un nouveau souffle à la démocratie.

De son côté, l'Assemblée nationale a vu acter l'introduction d'une dose de proportionnelle à 20%, avec en parallèle la suppression de 25% à 30% de sièges de parlementaires.

Réforme de l'ENA, nouvel acte de décentralisation

Dans la suite de son discours qui aura duré un peu moins d'heure, Emmanuel Macron s’est également dit favorable un remplacement prochain de l'ENA. Non pas que l'ancien produit de l'institution ait un malin plaisir à la supprimer, mais plutôt par souci de mettre en place quelque chose de bien meilleur. Sa volonté se nourrit en tout cas du fait que le lieu qui ne renferme plus vraiment de filières méritocratiques. Il n'a à cet égard pas fait de cadeau aux grands corps dont il estime que le succès à vie n'est plus acceptable dans la société d'aujourd'hui.

D'ailleurs, face au besoin de proximité exprimé par les Français, le chef de l'Etat a décidé de revoir le maillage de la politique publique dont il note qu'elle est jugée lointaine des réalités du terrain. Un nouvel acte de décentralisation sera donc amorcé et devra s'établir sur les questions du logement, du transport et de la transition écologique. Objectif affiché, refonder le modèle territorial en y intégrant une bonne dose de différenciation. Il sera aussi mis en place dans chaque canton une "Maison France service" pour répondre aux difficultés des citoyens.

Plus de fermeture d'école ou d'hôpital

Dans ce contexte, plus question de fermer une école ou un hôpital jusqu'en 2022, sans que le maire de la commune l'approuve formellement.

Il s'agit pour le président de la République de mettre en avant un accès aux soins pour tous. La décision s'accompagne bien sûr de la volonté d'injecter plus d'agents sur le terrain, tout en supprimant des postes de bureau dans les différentes administrations centrales. Edouard Philippe détaillera à cet effet, dès le mois de mai, la réorganisation de l’État que l'exécutif entend soutenir pour revitaliser les territoires.

D'autre part, comptant parmi les mesures mises en place par l'exécutif au début du quinquennat, le dédoublement de classes, dans les REP et REP+, ira encore plus loin que les promesses du candidat Emmanuel Macron. Toutes les écoles du territoire national devront désormais se conformer et fournir des classes dont l'effectif ne débordera plus les 24 élèves.

Le nouveau dispositif concernera les élèves de la grande section au CE1. Une période dont le locataire de l'Elysée assure qu'elle décisive puisqu'on y apprend à lire, à écrire, à compter.

IFI à évaluer, réindexation des retraites

Et si le chef de l'Etat reconnaît avoir beaucoup appris, il assure néanmoins être prêt à défendre jusqu'au bout ses convictions. Hors de question donc de revenir tout de suite sur la transformation de l'ISF en Impôt sur la Fortune mobilière. La revendication phare des Gilets jaunes n'a donc pas réussi à trouver un écho favorable au sein de l'exécutif où on martèle que son rétablissement serait plus néfaste qu'autre chose. Emmanuel Macron s'est toutefois dit favorable à une évaluation du dispositif qui pourra à terme être «corrigé».

Concernant les retraités qui ont beaucoup subi depuis le début du mandat, Il a souhaité apporter quelques aménagements. Dès le 1er janvier 2020, les petites retraites (moins de 2 000 euros) se verront réindéxés sur l'inflation, tandis que les autres devront attendre 2021. Dans le même temps, le chef de l'Etat se dit opposé à l'idée de bousculer l’âge légal de départ à la retraite fixé à 62 ans. Un allongement de la durée de cotisation serait à l'étude dans le cadre du futur système par points qui devrait assure une "retraite minimale" à 1000 euros.

Baisse d'impôts, réforme de l'Etat

Le Président l'a dit et répété jeudi, il ne voudrait plus assister à une nouvelle hausse d'impôts, contrairement à ce que lui prêtent ses adversaires politiques.

Il appelle plutôt à une baisse significative de l'impôt sur le revenu pour les classes moyennes qui peinent à vivre de leur travail. L'ancien locataire de Bercy avance déjà que la manoeuvre coûtera 5 milliards d’euros aux caisses de l'Etat. Il note au passage que la prime exceptionnelle promue en décembre dernier serait reconduite en cette fin d’année 2019, sans charges sociales ni fiscales.

Mais, l'une des informations choc de jeudi, c'est sans nul doute l'esquisse d'un reniement d'Emmanuel Macron sur sa promesse de supprimer jusqu'à 120 000 postes de fonctionnaires sur le quinquennat. Le Premier ministre fournira d'ici l'été un avis sur la faisabilité du projet, auquel cas, l'objectif pourrait être levé.

La bataille de la réduction des dépenses publiques reste quant à elle toujours à l'ordre. Mais pas seulement, car il en a profité pour évoquer les pensions alimentaires non versées par les ex conjoints qui se verront prélevées par les CAF.

Conseil de défense écologique et chômage à 7%

Dans son discours, le chef de l'Etat a aussi souhaité mettre au cœur du projet qu'il porte l'épineuse question du climat. Il pose sur la table deux réformes, qui permettront de conduire comme il se doit la transition écologique. La réforme consistera à mettre en place une convention de 150 citoyens pris au hasard qui se pencheront sur les mesures à fournir clé en main aux citoyens afin de les aider dans la transition climatique.

Les pistes retenues seront ensuite portées sans filtre au Parlement par la voie référendaire ou pour une application directe.

Un conseil de défense écologique verra bientôt le jour sous patronage et la collaboration de Matignon, des ministères en charge et des grands opérateurs. Un agenda réunissant des objectifs clairs, une vue de la normalisation, et des accompagnements financiers certains devra être disponible sur la question des transitions d'ici à 2025. Objectif affiché, mettre sur pied un "pacte collectif" pour le plein-emploi vers 2025. En attendant, l’objectif du gouvernement placé à 7% de chômage pour 2022 reste bien en place et ne devrait en rien être perturbé.

L'immigration bientôt débattue au Parlement

Plus surprenant dans l'intervention d'Emmanuel Macron, c'est la séquence dédiée au tumultueux sujet de l'immigration. Le président de la République a notamment reconnu que des dérives pouvaient souvent être constatées sur la gestion migratoire en France. Qu'il s'agisse du regroupement familial ou de l’asile, plus question de laisser courir les excès. Un débat prendra donc désormais place au Parlement chaque année. L'initiative vise à remettre au gout du jour un patriotisme plus inclusif, avec un intérêt supérieur pour l'Etat et l'Europe.

Quant à la question qui lui a été posée sur sa possible participation à la présidentielle de 2022, le chef de l'Etat s'est voulu clair et concis.

Il serait indécent de sa part de mettre sur la table un tel sujet alors que les Français sont actuellement en demande d'actions fortes pour leur quotidien. L'obsession qui le nourrit rageusement, c'est celle de réussir à tout prix son mandat pour le bien du pays. Pour cela, il entend faire beaucoup mieux que pour les deux premières années de son quinquennats, car désormais le temps lui est compté.