Emmanuel Macron et Laurent Berger tenteraient-ils aujourd'hui de repartir sur de nouvelles bases, après deux années de quinquennat marquées par les frictions ? Rien n'est moins sûr si on se remémore le coup de sang du secrétaire général de la CFDT au passage de la réforme sur l'assurance-chômage, bien que son regard se veut depuis plus modéré sur l'exécutif. Il est en tout cas le premier à avoir été reçu entre les murs de l’Elysée afin d'aborder l'épineuse question des retraites, sur laquelle l'exécutif entend désormais se donner du temps.
Le rendez-vous était une véritable surprise révélée dimanche avec l'agenda du chef de l'Etat, mais la tête de file du premier syndicat de France n'a pas hésité à se confier dessus.
Invité d'Europe 1 ce mardi 10 septembre, ce dernier a notamment indiqué avoir énergiquement rappelé à son hôte les exigences et les lignes rouges qu'il a toujours portées sur ce sujet sensible. Dans ses mots, on a pu suivre un changement de ton qui résume assez bien l'esprit d'ouverture que le gouvernement entend faire valoir tout au long de l'acte II du quinquennat.
Les syndicats de retour dans le jeu
Dans le détail de la concertation qui s'est ouverte une semaine plus tôt autour d'Edouard Philippe, Laurent Berger souhaite avant tout que les choses soient précisées. Loin de l'emballement médiatique autour de l'âge pivot et des durées de cotisations, il ne voudrait pas que la future réforme des retraites puisse être dictée par des objectifs budgétaires.
Pour lui, le gouvernement se doit d'éviter courir derrière deux lièvres à la fois comme c'est le cas, puisque le système de retraites ne traversera pas une difficulté financière dans un avenir proche.
Et cela, même si les observateurs du Conseil d’orientation des retraites parlent aujourd'hui d'une prévision de déficit de l'ordre de neuf milliards d'euros pour 2025.
Sur un système qui pèse actuellement plus de 300 milliards d'euros, la nouvelle figure de gauche se dit particulièrement préoccupée de ces signaux d'alerte lancés pour une simple épaisseur du trait. Hors de question donc, selon lui, d'intégrer la logique de budget de Bercy, qui tenterait d'imposer coûte-que-coûte un retour total à l'équilibre sur un système bien connu pour sa délicatesse.
Ne pas trahir la promesse faite aux Français
En fond, Laurent Berger a noté que, durant son entretien avec Emmanuel Macron, la priorité est toujours allée à l'intérêt des travailleurs et des travailleuses. Il prend d'ailleurs à témoin le fait que la promesse du candidat devenu Président était tout simplement celle d'une réforme qualitative au moment de la campagne de 2017. Un système de retraites par points plus juste, qui permettrait aux femmes de refaire leur retard sur les pensions par rapport aux hommes, et serait profitable à ceux qui ont commencé à travailler tôt ou dans des métiers pénibles.
Des situations dont il admet aisément qu'elles ne sont pas correctement prises en compte dans la quarantaine de régimes qui existent aujourd'hui.
Il invite donc le chef de l'Etat à ne pas renier ses engagements de campagne, et à continuer de jouer la corde de l'apaisement avec les partenaires sociaux comme c'est le cas depuis le début de la rentrée. Se montrer réellement à l'écoute, c'est ce que le leader syndical estime que le pouvoir exécutif devrait faire en insistant sur le fait que la réforme des retraites ne peut être qu’une réforme de justice sociale.