En France, la situation est chaotique depuis ce jeudi 16 mars, date à laquelle la première ministre Elisabeth Borne a déclaré à l’Assemblée Nationale que le Gouvernement userait de son droit constitutionnel (article 49.3) pour contourner le vote des députés et entériner la loi sur la réforme des retraites. Immédiatement après son discours, des rassemblements ont eu lieu à Paris et dans d'autres villes de France où des incidents ont éclaté entre les manifestants et la police.

La riposte de l'intersyndicale n’a pas tardé en appelant fermement au blocage du pays pour une neuvième grande journée de grèves et de manifestations, le jeudi 23 mars.

Entre-temps, des partis de l’opposition ont soumis des initiatives pour un vote de défiance.

L'opposition debout

À l’Assemblée Nationale, après le choc de la veille, l’opposition a déposé ce vendredi, des motions de censure qui devraient être examinées par l'ensemble des députés lundi prochain 20 mars. Le Rassemblement national et le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (Liot) veulent renverser le Gouvernement d'Élisabeth Borne. Liot a également déposé une motion de censure "transpartisane" soutenue par la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes).

Pour rappel, les sénateurs ont déjà adopté dans la nuit du samedi 11 à dimanche 12 mars, le projet de loi par 195 voix contre 112, donnant à cette “réforme profondément impopulaire, une légitimité qu’elle n’a pas su trouver à l’Assemblée nationale.

Les parlementaires s'étaient réunis en commission mixte paritaire (CMP) composée de sept députés et sept sénateurs, mercredi 15 mars.

La CMP parvient à un compromis soumis jeudi 16 mars matin au vote définitif du Sénat pour le présenter à l'Assemblée Nationale dans l'après-midi. Recul de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans d’ici 2030, durée de cotisation portée à 43 ans dès 2027, mais aussi pension minimum, emploi des seniors, pénibilité, fin des régimes spéciaux… Le consensus tient en dix articles et son entrée en vigueur est envisagée au 1er septembre 2023.

Mais, le Gouvernement ne disposant pas d'une majorité absolue au Palais Bourbon a donc finalement opté pour un passage en force en usant du 49.3, déterminé à faire passer son projet.

La pilule ne passe pas

Plusieurs milliers d'opposants à la réforme se sont réunis partout en France après l'annonce de la première ministre. Des incidents ont éclaté dans plusieurs villes de France, notamment Paris, Lyon, Amiens, Rennes, Lille, Grenoble, Strasbourg ou encore Marseille.

Le vendredi 17 mars à Paris, une manifestation s'est tenue place de la Concorde pour la deuxième journée consécutive, la tension est montée vers 20 heures entre les protestataires et les forces de l'ordre avec près de 70 interpellations et cinq policiers blessés. En réaction, la préfecture de police de Paris vient d'annoncer ce samedi 18 mars, l'interdiction de manifestations place de la Concorde jusqu'à nouvel ordre.

A Lyon près de 40 personnes ont été également interpellées. La préfecture a évoqué "une mairie vandalisée". Des manifestants y sont entrés et "ont essayé de mettre le feu", mais "les policiers sont intervenus rapidement et ont réussi à l'éteindre". Ce samedi 18 mars, au niveau régional des départs de manifestations ont été signalés au Havre en Seine-Maritime, à Guéret en Creuse, à Vesoul en Haute-Saône et à Saint-Nazaire en Loire-Atlantique.

Un durcissement des mouvements de grèves ce samedi aussi dans la région sur trois sites de production: bioraffinerie TotalEnergies à La Mèden, Esso à Fos et Petroineos à Lavera.

Plusieurs mouvements de protestation ont été également annoncés pour les jours à venir. Les manifestations et ces grèves en France ont débuté dès janvier lorsque la réforme des retraites et son adoption ont commencé à être évoquées. Face à cette colère de la rue, Matignon a demandé aux ministres d'annuler temporairement leurs déplacements.

Cela risque de très mal tourner

Tous les regards sont tournés maintenant vers les syndicats et leur stratégie à venir. Ce qui est par contre encore plus préoccupant : les récentes références à mai 68 et à d'autres manifestations explosives dans le passé, des réflexions dangereuses qui se répandent de plus en plus parmi les protestataires : "tu nous mets 64, on te Mai 68 !"...

Des attitudes et des comportements qui invitent à réfléchir sur la tournure des événements dans les jours à venir.

Les syndicats appellent à une nouvelle journée de mobilisation le 23 mars. A la SNCF, il y a des incitations à poursuivre la grève reconductible. La CGT-Cheminots, l'Unsa-Ferroviaire, SUD-Rail et la CFDT-Cheminots appellent les salariés du rail à agir massivement, à "multiplier les actions et à maintenir le mouvement du 7 mars".

Vendredi, la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) a demandé l'annulation de 30 % des vols à l'aéroport de Paris Orly et de 20 % à l'aéroport de Marseille en raison du mouvement de grève des contrôleurs aériens. Des perturbations et des retards sont à prévoir selon la DGAC.

L'OCDE contre la rue

L'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) a ce vendredi, défendu le projet et a appelé le chef de l'Etat français Emmanuel Macron à le mettre en œuvre. "Nous vivons plus vieux et en meilleure santé", c'est pourquoi "il nous faut accepter de travailler un peu plus longtemps", a déclaré son secrétaire général Mathias Cormann. Il a encore précisé que les systèmes de retraites actuels basés sur des hypothèses de coûts ne sont plus valables". "Après tout le chemin parcouru, je suis certain que le gouvernement français va et doit rester sur sa ligne et aller jusqu'au bout", a-t-il aussi affirmé. "L'âge effectif de départ à la retraite en France est bas" comparé à d'autres pays a également souligné Alvaro Pereira, chef économiste par intérim de l'organisation.

Quel avenir pour le Gouvernement d'Élisabeth Borne sérieusement fragilisé après ce 49.3 sur la réforme des retraites? Le président de la République française devrait en appeler aux citoyens, l’urgence est désormais de trouver une issue politique et démocratique pour ressouder rapidement le pays.