Alors que la discussion sur le projet de loi a démarré jeudi 2 mars au Sénat, le mardi 7 mars, les syndicats appellent fermement au blocage du pays avec de possibles grèves reconductibles dans le but de faire reculer le gouvernement sur ce texte. La gauche de son côté, à coups de meeting agite la mobilisation pour la pousser vers la paralysie du pays.

Une grande journée de mobilisation en vue, le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez a déclaré à ce propos, qu’il était nécessaire de faire plier le gouvernement et qu'il fallait qu’il y ait plus de monde dans la rue contre la réforme de la retraite.

Pas de recul de l’âge de départ et pas d’allongement de la durée de cotisation, les responsables syndicaux serrent les rangs et galvanisent leurs troupes avec la ferme volonté d’ancrer le mouvement dans la durée.

Patronat et gouvernement sur la même longueur d'onde

En face, les patrons soutiennent le gouvernement pour des carrières longues à 64 ou 65 ans qu'ils considèrent nécessaires et incontournables. Ils manifestent clairement leur volonté pour le maintien du régime de répartition de manière à ce que les actifs travaillent plus pour des collègues retraités.

Des anciens dont le nombre ne cesse d’augmenter avec une natalité en chute et une France qui vieillit. Les cheveux blancs se comptent plus que les jeunes et les moins jeunes. Des seniors qui deviennent de plus en plus âgés et souvent très dépendants. Un choc démographique qui s'accentue d'année en année.

Pourtant, le patronat loue les nouveautés du texte et particulièrement le principe de la pension à 1200 euros ainsi que l’accompagnement des seniors et ne comprend pas ces manifestations et ce combat des syndicats contre la réforme.

Des patrons, par ailleurs, très loin d’accepter la solution d’une augmentation de leur contribution dans les cotisations sociales de leur personnel. Sujet également tabou pour le gouvernement.

Ces derniers jours, à son tour, l’exécutif a multiplié les déclarations contre ces revendications syndicales. Mercredi dernier, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, tout de même ministre délégué chargé du Renouveau démocratique, a déclaré que mettre "la France à l'arrêt" était synonyme de catastrophes écologique, agricole et de freinage au développement.

Réponses immédiates non seulement des syndicats et de l’opposition mais également d’un élu de la majorité présidentielle.

Richard Ramos, député MoDem y a aussi fermement rétorqué soulignant que les français disposent du droit de manifester et de faire la grève. Le ministre des Transports Clément Beaune a appelé, de son côté, ses compatriotes à télétravailler.

Faire fléchir coûte que coûte le gouvernement

Une grande partie de l’opinion publique, les syndicats ainsi que l’opposition ont bien saisi depuis le début, que l’exécutif allait rester ferme sur son projet, et ont donc décidé à leur tour, en réponse, de tenir la ligne dure et de pousser plus loin le bras de fer.

Des sources ont même dernièrement parlé de grèves reconductibles après le 7 mars, les 11 et 14 mars. Des informations rapidement démenties par l'intersyndicale qui réagit et précise que le sujet concernant les suites du mouvement sera à l’ordre du jour de la réunion du 7 mars au soir dans le foulée de la manifestation de ce mardi et pas avant.

Toutefois, dans les différents meetings et rassemblements, plusieurs syndicats ont déjà depuis quelques jours lancé un appel à cette grève reconductible à partir de ce mardi. Ils entendent prolonger le mouvement par des grèves à répétition pour au moins dix jours, plusieurs fois par semaine. Leur objectif bloquer surtout Paris.

Un message fort qu’ils veulent envoyer au gouvernement pour l’obliger à rendre les armes.

Déjà depuis une semaine, par communiqué, la CFDT-Cheminots, rejoignant la CGT-Cheminots, l'Unsa-Ferroviaire et SUD-Rail, avait lancé cette idée dés le lundi 27 février. Mot d'ordre identique dans plusieurs secteurs qui ont d’ores et déjà prévu de voter la reconductible.

Des dockers ont déjà lancé l'assaut et ont prévu une grève les 7 et 8 mars pour des "ports morts". Semaine noire en perspective pour les français. L’esprit et les intentions syndicales se précisent autour de grèves reconductibles par période de 24 heures. Un mouvement qui probablement commencera dès le 6 mars au soir. Une mise à genoux de l'économie en quelque sorte.

A quoi il faut s’attendre donc ce mardi ?

Aéronautique, automobile, sidérurgie, métallurgie ont eux aussi été appelés par la CGT par communiqué à faire grève et à rejoindre le reste de la troupe.

La SNCF, la SNC, la RATP également concernés. Peu de TGV, quasiment pas d'intercités, ni de Ter. Le trafic sera très perturbé sur les réseaux de la RATP et de la SNCF (lignes de métro, de RER, de bus ...).

Également à EDF (Electricité de France). La grève qui a débuté vendredi 3 mars dans le secteur, perturbe la production de certains réacteurs nucléaires (Tricastin, Flamanville 2, Paluel 2 et Cattenom respectivement en Drôme, Manche, Seine Maritime et Moselle).

Suivent à partir du lundi 6 mars au soir, les raffineries, l'industrie pétrochimique, les industries pharmaceutiques, les éboueurs, livreurs de plateformes... Le caoutchouc, la plasturgie, les électriciens, gaziers, cheminots, ... Des secteurs appelés à "monter d'un cran" dans la mobilisation.

Rejoignent également, les secteurs de la collecte des déchets et ordures ménagères. Dans le secteur de l'aérien, les 7 et 8 mars des réductions de vols sont prévues à Paris-Charles-de-Gaulle, à Paris-Orly et dans le reste des aéroports du pays.

Du côté de l'éducation nationale, des appels depuis le 14 février pour impliquer les écoles, collèges, lycées et administrations. L'enseignement supérieur également. Des appels aussi à se mobiliser le mercredi 8 mars, journée internationale de la lutte pour les droits des femmes.

Au Sénat, l'exécutif "droit dans ses bottes" compte sur la droite

Ce projet très controversé de réforme des retraites est actuellement en cours d'examen au Sénat du 2 mars au 12 mars.

Les sénateurs ont déjà approuvé, mardi 28 février, le texte en commission. Plusieurs amendements ont été retenus, notamment en faveur des mères de famille et de l'emploi des seniors. En effet, plusieurs points doivent être repris en compte au niveau de l'hémicycle sénatorial.

A majorité de droite, les sénateurs ont voté le samedi 4 mars la fin de plusieurs régimes spéciaux pour les nouvelles recrues qui seront à partir du mois de septembre 2023 assujetties au régime commun. Les anciens encore en fonction ne sont pas concernés par cette suppression et demeurent dans leurs actuels avantages. Cinq régimes sont visés par cette extinction : les industries électriques et gazières, RATP, Banque de France, clercs et employés de notaire, membres du Conseil économique, social et environnemental).

Un vote acquis par 233 voix "pour" et 99 "contre".

Les sénateurs ont également adopté dans la nuit de dimanche 5 à lundi 6 mars par 244 voix contre 96, l'article 2 de la réforme créant un "index seniors" en entreprise qui concernera dès novembre 2023, les entreprises de plus de 1.000 salariés, et à partir de juillet 2024 celles de plus de 300 salariés .

Le Sénat a également voté par 163 "pour" et 126 "contre" ce dimanche, le lancement d'une étude relative à l'introduction d'une option de capitalisation pouvant être utilisée dans le régime actuel de répartition (salariés et employeurs auront à investir leurs cotisations dans des fonds, des actions, des obligations ...).

Sur le terrain, l'alliance de gauche Nupes continue de multiplier les meetings. Dans la rue, le bras de fer va probablement se durcir encore. Au Sénat, les débats prendront fin le dimanche 12 mars. Une semaine très longue en perspective.