Salaires des cadres, régime-bronzage, immobilier, franc-maçonnerie… Effet Fillon ou ‘’droite hors les murs’’, c’est désormais ‘’fais-moi du chrétien, coco, du social, du vivant, de l’humain !’’ dans les rédactions. C’est d’abord, ce jour, les ‘’cathos’’ avec une enquête du groupe Bayard (Pèlerin et La Croix) et un sondage Ipsos décortiqué par les universitaires Yann Raison de Cleuziou et Philippe Cibois. De quatre familles de cathos, on passe à six. Les festifs culturels, les saisonniers fraternels, les conciliaires, les observants, les inspirés et les émancipés.

Comme pour tout sondage, on peut se poser des questions sur l’échantillon, large, puisqu’il suffirait d’avoir été scout (de France ou autre, non pas éclaireur), par exemple, pour rester attaché à l’une des familles. Les autres critères portent sur les pratiques (fréquentes ou occasionnelles) et la perception de l’accueil des migrants ou du Front national. Il en ressortirait que la majorité reste centre-gauche-droit, avec un noyau gauche-gauche résistant, une progression de l’attirance pour le FN et au-delà, surtout chez les ‘’saucisson-pinard’’ (même végétariens) de la catégorie ‘’festive’’. Pas si neuf. Cela me remémore très fort les études les plus sérieuses sur les votes ‘’juif’’ et ‘’protestant’’ en Alsace qui concluaient à l’inanité de ces concepts tandis que la presse privilégiait toujours leur validité, plus ''commerciale''.

Toutes ces études n’abordent jamais la question centrale du qui a fait l’œuf ou la poule, soit vote-t-on comme ceci ou cela pour de multiples autres raisons profanes qui font ou non qu’on montre aussi un certain degré d’attachement au religieux, soit en fait au sociétal, présumé conforté par les églises, les temples, les mosquées, le vaudou, &c.

Parce qu’on est de droite ou de gauche, tire-t-on le fait religieux à soi ? C’est la réflexion qui manque à la réplique du philosophe Vincent Morch à l’essayiste Michel Onfray qui vient de sortir La Décadence (Flammarion). On la consultera dans Le Figaro.

Inversion des causes et effets

Pour Onfray, qui reste attaché à des valeurs judéo-chrétiennes n’a plus qu’à envisager de dépérir ‘’avec élégance’’ tant l’assaut musulman est voué à prédominer.

Que non, réplique Morch. La mort du Christianisme est une vieille lune, consubstantielle à son avènement. Le christianisme (lequel ?), ‘’religion de la faiblesse’’ (des conquérants du Nouveau Monde, des colonisateurs ?), est ‘’intrinsèquement fragile’’. C’est inné. Mais il prône la liberté de conscience, de se déterminer (de l’extrême-droite à l’extrême-gauche ?), qui permet l’espérance, ‘’la capacité de la foi à déplacer des montagnes’’. Raccourci quelque peu réducteur de ma part, mais cette lecture peut être faite. Alors que l’Islam hériterait du fatalisme gréco-romain (égyptien, assyrien, aussi, non ?) conforté par la recherche scientiste de l’antiquité qui établissait ‘’une chaîne de nécessités à laquelle il est impossible de contrevenir’’ : tout est écrit, et la somme des angles d’un triangle égale deux angles droits, nécessairement.

Pourquoi s’agiter, tels des Grecs, Romains, Bédouins mahométans, et ne pas se contenter de cultiver son jardin ou paître des chamelles ? Vanitas vanitatis. La formule est aussi le fondement des sectes mahométanes piétistes, contemplatives. En quoi, se passant d’un Jésus, prophète accessoire, diffèrent-elles d’autres sectes chrétiennes ? Pourquoi s’étendre, concevoir des machines, prospérer ? L’argument diriment consiste à vouloir qualifier de fataliste une religion conquérante (ou non, selon variantes) et de la faire cause et non effet. C’est présupposer (tout en le niant) que primates et hominidés auraient créé des outils et étendu leurs territoires car inspirés par une croyance religieuse qui aurait évolué.

Ou qu’aucune religion ne pourrait être instrumentalisée durablement. Au final, dieu ou les dieux triompheraient toujours ? Où se situe la différence ? Dans le constat que l’imaginaire est plus vendeur que le réel ?