La solidarité s'arrête au début de ses propres intérêts. L'ouverture d'un multiplex cinématographique peut faire des dégâts chez ses concurrents. C'est ce qui vient d'arriver à Garat, dans les Charentes où un complexe de six salles et 844 places a ouvert en novembre 2015. Guy et Aurélie Delage espéraient faire 180 000 entrées pour leur première année d'exercice. Finalement, ils attirèrent 198 000 spectateurs.
Le nouveau Megarama a donc plus que réussi son arrivée dans ce monde des salles obscures qui se tire la bourre. Le grand perdant a été mécaniquement le CGR d'Angoulême qui est passé, dans le même temps, de 420 000 à 340 000 passages en caisses. Distance entre les deux communes: 11,1 km. Mais, dans ce secteur, on aime le Cinéma. Un projet de dix salles et 1920 fauteuils a été proposé à Champniers... par CGR à moins de 10 km... d'Angoulême ! La Commission nationale d'aménagement cinématographique (Cnac) a dit non. Le commune et la communauté de communes ont déposé un recours... A Montélimar, les petits commerçants qui affichent 18% de commerces vides se sont montrés furieux et surpris de la décision du maire de refuser le projet d'un privé souhaitant moderniser ses salles en plein centre ville.
Le maire préfèrerait un autre lieu à... 15 minutes de marche ! Les décisions municipales échappent quelquefois aux logiques des quidams. A Givors (Rhône) c'est un Megarama qui a été retoqué. Un peu comme dans les Charentes, les cinémas existants craignaient pour leur chiffre d'affaires. Notamment le CGR de Brignais, à moins de onze kilomètres de Givors. Dans le Progrès du lundi 30 janvier 2017, le maire, Martial Passi qui crie à l'injustice depuis plusieurs mois ne décolère pas "... je suis indigné que l'on puisse refuser l'accès au cinéma à une population pour privilégier les intérêts financiers et privés de cinémas voisins...". Le Megarama viendrait-il à Givors pour autre chose que des intérêts financiers et privés ?" La Ville qui avait raté de justesse l'installation en 1998, d'un Gaumont, devrait savoir que, quelle que soit l'enseigne, l'implantation d'un multiplexe n'est pas une opération blanche.
Le maire communiste a, depuis la décision de la Commission nationale d'aménagement cinématographique, sorti l'artillerie lourde sous forme d'une énorme campagne de communication. Difficile de savoir si cette même commission cèdera face à une pétition, des banderoles et des tracts largement diffusés. La principale arme sera le nouveau projet présenté... Autre particularité de cette ville, la présence d'un cinéma de trois salles, en sommeil depuis une dizaine d'années au désespoir de ses propriétaires, les "Flacher". Alors que le bâtiment est annoncé comme voué à la démolition, Henri Flacher, toujours dans le Progrès explique: "Si je dois rouvrir mon cinéma, j'aurais besoin d'être aidé". 10 ans qu'il attend la main tendue !
"Protectionnisme... Corporatisme... Indignation..."
Mais il veut y croire. A St-Maurice de Beynost (Ain) le maire Pierre Goubet parle de "protectionnisme corporatiste et on oublie l'intérêt d'un tel projet pour la population...". La commune a vu le projet CGR refusé mais par la commission départementale. Crier au mépris, à l'injustice, penser que la terre entière en veut à sa commune parait toutefois exagéré. Les commissions doivent veiller au bon équilibre démographique, mais aussi financier. Comme l'explique dans ce même dossier Juliette Boutin, déléguée générale du groupement régional d'actions cinématographiques (Grac).
Saint-Maurice de Beynost et Givors ont-elles raté le train ?
"L'essor de ces multiplex, c'est une mode nationale...
Il y a de l'argent à faire". Elle qui ajoute qu'il convient "de protéger les petites salles". Les maires regrettant des décisions défavorables seraient sans doutes les premiers à protester, si de de tels mastodontes venaient à mettre en péril leurs propres équipements. Saint-Maurice de Beynost comme Givors ont peut-être laissé passer leur tour. Quand il y avait de la place...