L'affaire des "disparus d'Orvault", dont les restes ont été retrouvés dépecés et brûlés dans la ferme de Lydie Troadec-Caouissin, évoque très fort le Boulevard du Crime (celui du Temple, à Paris, où se trouve encore le théâtre Déjazet, seul survivant d'une dizaine, spécialisés dans les drames sanglants). En raison du mobile : la rumeur voulant que les Troadec détenaient des pièces d'or qui auraient dû, si tant serait qu'elles aient jamais existé, revenir pour partie à l'épouse d'Hubert Caouissin. Du fait du mode opératoire : pied de biche, puis dépeçage, &c.
On ne sait si le criminel, faute de trouver le magot, a ou non pensé à une part d'héritage revenant à son épouse. Mais on songe aussi à Zola, à Balzac, car le couple Caouissin-Troadec a basculé. Lydie Troadec était secrétaire médicale, Hubert Caouissin technicien au chantier naval militaire de Brest. Mais voici dix ans, à la naissance de leur enfant, Lydie devient handicapée d'un bras. L'enfant souffre aussi de troubles mentaux. S'ensuit une sorte de descente aux enfers ou plutôt en un purgatoire renfrogné qui dure et perdure. Ils alternent les séjours dans leur maison de Plouguerneau, dont ils délaissent l'entretien, et dans la ferme de Lydie, à Pont-de-Buis. Ils vivent très isolés, en dépit de la proximité de membres de leurs deux familles, à Plouguerneau.
Il n'est pas déjà déterminé si Hubert Caouissin s'était rendu à Orvault, à plus de trois heures de Brest, avec ou non l'intention de tuer. Sa femme se serait rendue complice de la dissimulation du fait accompli… Elle est mise en examen pour recel de cadavres…
Sordides, car faibles ?
Comparaison n'est pas raison. Il serait exagérément outrancier de risquer un parallèle.
Pourtant, du fait de l'actualité chargée du Penelopegate, de fugaces souvenirs traversent l'esprit. En raison de tant et tant d'audiences d'assises au cours desquelles l'article 64, puis celui l'ayant remplacé, n'a pas joué du tout en faveur des accusés. Le cas d'un meurtrier récidiviste ayant la première fois échappé de justesse à la peine de mort : l'expert admettait que l'article 64 aurait pu lui épargner (peut-être…) plus de quinze ans de réclusion, à la suite du premier crime.
Mais, là, puisqu'on l'estimait devenu irrécupérable… Celui du "Rambo de Reims", soit du commissariat central rémois où il se présenta vêtu d'une panoplie de mercenaire, lourdement armé. Condamné aux assises de Reims, il fit appel, et sa peine fut légèrement alourdie à celles de Nancy. En face, divers cas de notables (en particulier de médecins, d'un haut cadre hospitalier), reconnus irresponsables ou bénéficiant de très fortes circonstances atténuantes. Des cas largement moins tranchés ou limpides que celui du philosophe Althusser qui, lors d'une crise, étrangla son épouse, Hélène Rytmann, dans leur appartement de l'ENS. Althusser put ensuite publier L'Avenir dure longtemps (suivi de Les Faits), paru en 2007 (réédité post-mortem en 2013).
Caouissin se verra accusé de préméditation puisqu'il était, comme son épouse, très en froid avec ses défunts beaux-frères et belles-sœurs. On ne saurait plaider que François Fillon ait embauché femme et enfants sur des coups de tête. "Tout le monde" faisait de même, a-t-il soutenu. Tout le monde faisait le Caouissin aussi aux temps de la loi du Talion. Dans certains pays où il souffle, les crimes commis par temps de simoun sont considérés avec un certain degré d'indulgence, qu'accentue ou non la position sociale des accusés. On voit mal la défense des Caouissin invoquer la météo. Ni quiconque plaider une totale indulgence si facilement accordée par ailleurs. Non, Hubert Caouissin n'a pas commis "des erreurs".
Et si Jacqueline Sauvage a pu bénéficier d'une partielle grâce présidentielle, qui l'imagine pour Caouissin ? Le magistrat honoraire Philippe Bilger ? "Il y a des entêtements admirables mais dévastateurs", écrit-il. Là, le parallèle se conçoit. C'est bien sûr de François Fillon qu'il s'agit. Pas de Jacqueline Sauvage... moins admirable.