Mais que se passe-t-il chez les anti-Linky  ? «  Escrocs  », «  faux militants  », «  idiot utile  »… D’ordinaire virulents envers les «  pro-Linky  », les détracteurs du compteur communicant d’Enedis (Ex ErDF) s’attaquent désormais les uns les autres. La raison  ? Il semblerait que chacun souhaite avoir la plus grosse part du gâteau…

C’est une réalité, la cause anti-Linky séduit de plus en plus de monde. Dernier frondeur en date : l’ancienne ministre de l’Environnement, Corinne Lepage. L’avocate, accompagnée de plusieurs confrères, vient de lancer une action collective afin de demander un moratoire de l’installation des compteurs électriques communicants.

Leur action s’appuie sur MySmartCab, une plateforme ouverte par un avocat toulousain, Christophe Leguevaques, destinée à «  regrouper des personnes dispersées […] dans le cadre d’une action collective  ».

Fût-ce en vertu du principe de précaution, agité par Mme Lepage et ses comparses, stopper le déploiement du boîtier d’Enedis sonnerait l’arrêt de la transition énergétique en France. Car Linky est censé, à court terme, permettre aux ménages de rationaliser leur consommation électrique — grâce à un suivi en temps réel —, et à long terme, aux énergies renouvelables de s’insérer dans le réseau électrique français.

Être écolo et contre le compteur  ? La contradiction interpelle. Tout comme la véritable motivation de Corinne Lepage, MySmartCab ou encore celle de Daniel Sauvat et Philbert Mahé, fondateurs de la Plateforme opérationnelle anti-Linky (POAL).

Il apparaît en effet que leur posture de frondeurs vis-à-vis du compteur serait, en réalité, motivée par des intérêts bien plus personnels… et financiers.

Stéphane Lhomme vs Corinne Lepage

C’est le militant Stéphane Lhomme, qui l’a lui-même révélé. «  Depuis quelques jours, […] Corinne Lepage fait subitement feu de tout bois contre le Linky, ce dont on devrait se réjouir  », commence-t-il à expliquer dans un communiqué publié le 11 avril dernier.

«  Cependant, on peut noter qu’elle est acoquinée avec MySmartCab/lexprécia [des “activateurs de justice”, ndlr], invitant particuliers, associations et mairies à [leur] verser leurs oboles […] pour les procédures annoncées  ».

Et de rajouter : «  pour mémoire, j’ai été démarché dès mars 2017 par l’initiateur de ces procédures (qui espérait clairement que je lui rabatte des clients) qui m’avait fait l’éloge de ses méthodes comme irradier des gens devant huissier (“prouver judiciairement les lésions que provoquent l’exposition à ces compteurs”) ce qui est à la fois inacceptable moralement et de toute façon totalement perdu d’avance sur le plan juridique ».

Une attaque à laquelle les fondateurs de la plateforme ont répondu en déclarant, sur Twitter, que Stéphane Lhomme était un «  idiot utile  » qui «  demande aux anti-linky de financer ses procédures et qui préfère soutenir l’ennemi qu’il prétend attaquer  ». Ambiance.

Corinne Lepage et la plateforme MySmartCab ne sont pas les seuls à être dans le viseur de Stéphane Lhomme : dans le même communiqué, le militant affirme ainsi «  que le site POAL est un faux site militant mis en place par deux escrocs qui, en réalité, ne sont là que pour vendre (très cher) de pseudo filtres “anti-CPL” qui filtrent plus sûrement votre portefeuille que les ondes ». Là encore, Stéphane Lhomme déclare avoir déjà été contacté par «  ces escrocs  », ceux-là «  se faisant passer pour des militants, espérant (vainement) que je les aiderais à infiltrer le milieu anti-Linky  ».

Le 18 avril dernier, c’était au tour de Libération d’affirmer que les fondateurs de POAL ont effectivement des intérêts dans CEM Bioprotect, société qui commercialise des filtres CPL pour «  lutter  » contre les ondes et dont la plateforme fait la promotion.

Contacté par Libération, Philbert Mahé, cofondateurs de POAL et dirigeant de Cem-bioprotect, clame que sa démarche est légitime : «  La vente de filtres CPL n’était pas du tout prévue au départ. C’est par la force des choses que nous avons été amenés à rechercher une réponse “technologique” au compteur Linky. Car les seules réponses “militantes” et “associatives” proposées ici et là ne sont pas suffisantes.  » Et de conclure : «  Notre démarche est parfaitement logique et légitime  ».

Emma Donada, journaliste à Libération, précise néanmoins que «  le lien entre la POAL et le site de revente n’est pas clairement affiché  ». Un manque de précision volontaire destiné à berner les anti-Linky  ? Possible.

Car la lutte anti-Linky peut rapporter gros. S’il n’est pas possible de connaître le nombre de «  filtres CPL  » qui ont été vendus par Philbert Mahé, de son côté, la plateforme MySmartCab a vraisemblablement engrangé 200 000 € grâce aux anti-Linky. Une situation pour le moins paradoxale pour des individus qui dénoncent, entre autres, le coût «  astronomique  » du déploiement des compteurs et l’augmentation des factures des particuliers pour le financer.