Les entreprises se tournent de plus en plus vers l'économie circulaire, c'est-à-dire des productions durables qui tentent de limiter le gaspillage des ressources et l'impact environnemental.

Circul'Egg a tenté le pari de cette production à impact positif en se penchant sur la question des coquilles d'oeufs : un biodéchet qui figure parmi les premiers en France selon Yacine Kabeche, fondateur de l'entreprise qui travaille sur le projet depuis plus d’un an.

Un appel aux dons défiscalisés est lancé sur le site de Circul’Egg auprès des particuliers et des entreprises jusqu’en novembre pour permettre la poursuite de tests sur l’industrialisation du procédé.

Yacine Kabeche a répondu aux questions de Blasting News dans le cadre de BlastingTalks.

Un projet qui veut découvrir les challenges des entreprises durant leur évolution et dans le contexte particulier de la crise sanitaire liée à la COVID-19. L'entrepreneur, qui a commencé le projet pendant ses études, parle d'économie circulaire, du marché B2B et de l'impact positif à l'échelle industrielle.

Circul’Egg est une “start-up de valorisation des coproduits industriels en économie circulaire”. Les démarches d'économie circulaire sont de plus en plus nombreuses. Pourquoi vous êtes-vous penché sur la question du recyclage des coquilles d'œufs?

Initialement, l'idée est née d'une volonté de travailler dans l'économie circulaire.

Ce que nous cherchions, c'était d'avoir l'impact le plus large possible. Nous nous sommes alors tournés vers des problématiques industrielles. Dans cette volonté, nous avons ciblé les oeufs, la France étant la première productrice européenne. Nous nous sommes rendus compte que la coquille d'oeuf était un déchet important mais peu valorisé.

Étant une excellente source de carbonate de calcium, nous nous sommes dit qu'il y avait quelque chose à faire.

J'ai rencontré des directeurs de casseries, qui sont simplement les usines qui cassent les oeufs et qui interviennent en amont de la filière agro alimentaire. Leur activité repose alors sur la séparation du blanc et du jaune et de les revendre à d'autres industries alimentaires (comme typiquement Brossard, etc).

Les différents directeurs de casseries nous ont fait part de leur réelle volonté de trouver une manière de valoriser ces coquilles. D'un point de vue environnemental et économique. C'est comme ça que nous avons décidé de lancer Circul'Egg !

Vous étiez étudiants à AgroParistech lorsque vous avez monté Circul'Egg. Comment vous êtes-vous rapidement tourné vers l'entrepreneuriat?

Ça s'est fait très naturellement. Il s’agissait au départ d’un projet, disons annexe. AgroParisTech nous a vraiment suivis dès le début, dans les prémices de Circul'Egg. Dans cette école, nous travaillons beaucoup en projet, avec des entreprises. On a pu incorporer entièrement notre startup aux différents projets et donc bénéficier de l'expertise des différents professeurs.

Ce n'était pas forcément une volonté d'entreprendre, c'était plutôt naturel et voilà, nous en sommes là aujourd'hui.

En pleine crise sanitaire, avez-vous eu besoin d'adapter vos activités? Comment avez-vous fait face à cette dernière ?

Nous avons la "chance" d'être encore un projet de recherche et développement. Nous n'avons pas été impactés d'un point de vue opérationnel. Nous sommes au stade d’industrialisation qui sera lancée en avril 2021. Toutefois, la crise nous a malheureusement tous touché. Pour notre part, elle a ralenti la réalisation de tests, de l'industrialisation et le développement de notre process. Je ne dirais quand même pas que le tableau soit complètement noir.

Le monde de l’entrepreneuriat est un environnement où il faut aller très vite.

La crise a pu permettre de prendre un peu plus de temps et rencontrer l'ensemble des potentiels clients, à la fois en amont avec les casseries, mais aussi en aval avec les entreprises du secteur des cosmétiques, des compléments alimentaires, etc. On a finalement pu réellement valider le besoin.

Les casseries produisent 40% de ces déchets de coquilles. D'où proviennent les autres 60% ? Comptez-vous les prendre en charge?

Les 60% proviennent des consommateurs finaux ou des restaurants. D’un point de vue logistique, la collecte serait très complexe. Aujourd’hui, il y a 50 casseries sur notre territoire, dont 20 qui représentent 80% de l'activité. Soit 80% de 40 000 tonnes de coquilles d’oeufs. L’apport en coquilles est alors plutôt centralisé.

Notre souhait est de nous positionner en proposant des solutions de valorisation des biodéchets industriels. Aujourd'hui, c'est la coquille d'oeuf. Mais demain ça sera d'autres biodéchets industriels. C'est directement en lien avec notre volonté initiale d'avoir un impact le plus large possible.

Vous parlez d'innovation technologique pour ce recyclage de coquilles. Vous récupérez une poudre de carbonate de calcium grâce à ces coquilles. Cette poudre intéresse les fabricants d'aliments pour animaux, qui ont actuellement recours à du carbonate de calcium provenant de l'extraction minière des carrières de calcaire, un produit à impact environnemental forcément plus élevé. Cependant, ces fabricants sont-ils prêts à faire ce changement ? Comment les convaincre ?

Effectivement, nous proposons une alternative au carbonate de calcium qui provient actuellement des carrières de calcaire.

Le premier argument est environnemental, qui est de plus en plus dominant dans les discussions en lien avec l’évolution des mentalités. Mais nous restons quand même dans le B2B, où l'argument du prix est un argument décisif. Nous en sommes conscients, et c’est pourquoi nous nous alignons au prix du carbonate de calcium provenant des carrières de calcaire. Nous avons non seulement un meilleur impact environnemental, mais en plus des meilleures propriétés à la fois nutritionnelles, moins de métaux lourds et nanoparticules par exemple.

Aujourd’hui, plus d’une dizaine d’entreprises sont demandeuses de ce produit.

L’autre poudre de membrane coquillière est riche en collagène et en acide hyaluronique, et pourrait notamment être vendue à l'industrie cosmétique.

Quelle est la fonction de ces molécules ?

Le deuxième produit est la membrane. C’est un produit innovant sur le marché français et à forte valeur ajoutée. Elle a de nombreuses propriétés prouvées notamment au niveau nutraceutique pour le soutien de la fonction articulaire et cosmétique pour la bonne santé de la peau. On vend la membrane sur les marchés du Complément Alimentaire, Pet Food et le marché de la Cosmétique. Ces 3 segments sont très intéressés par ce produit innovant et biosourcé, on a aujourd’hui une trentaine d’entreprises demandeuses.

Comment on devient spécialiste de la coquille d’oeufs? Quelles ont été les étapes du développement de ces solutions?

Nous l'avons appris sur le tas.

Il y a clairement un appui de notre école AgroParisTech, première école d'ingénieur en agronomie et agroalimentaire. Nous avons su très vite nous entourer d'experts sur l’ensemble des problématiques liées à Circul’Egg. Pour cela, nous avons constitué un board stratégique formé de professionnels de l’agro-alimentaire, de la finance, de la propriété intellectuelle etc. Aujourd'hui, cela va faire plus d’un an qu'on travaille à la fois sur le processus et sur la validation des besoins clients finaux. Les cycles restent très long, parce que nous sommes en B2B et créons une machine de novo avec un dépôt de brevet prévu fin 2020. D'ici avril 2021 nous aurons notre première usine avec notre première machine.

Vous êtes en plein crowdfunding. La campagne va se finir en novembre prochain. Quels sont les prochains objectifs pour Circul'Egg?

Nous sommes en train de finaliser le crowdfunding. Nous avons atteint 90% de notre objectif. Mais les 10 derniers pourcents sont les plus compliqués à avoir!

Au-delà de l'aspect financier, ce qu'on nous voulions c'était vraiment fédérer une belle communauté autour de Circul’Egg. Si des personnes souhaitent participer à promouvoir une économie plus verte et plus durable.

Ces 30 000 euros serviront à financer les derniers tests industriels. Par la suite, pour lancer l’industrialisation, nous aurons besoin d’un financement beaucoup plus conséquent et prévoyons donc une levée de fonds d'ici début 2021, de l'ordre de 500 000 euros.