Basée à Clermont-Ferrand, cette start-up est parvenue à tirer profit des déchets de betteraves. En effet, grâce à sa production d’acides biosourcés, elle a même remplacé des composants pétrochimiques.

La chimie verte au secours du pétrole, c’est le pari lancé par cette jeune pousse fondée par un docteur en microbiologie et un directeur financier, Jérémy Pessiot et Nicolas Sordet. Des ingrédients naturels qui remplacent les produits polluants toujours dans l’objectif de réduire l’émission de gaz à effet de serre ?

Pour en parler plus largement, Nicolas Sordet, le président d’Afyren répond à quelques questions pour prendre part au projet BlastingTalks, qui consiste à se concentrer sur les challenges auxquels les compagnies font face lors de l’évolution du monde digital, les profondes transformations socio-économiques et lors de cette période inédite de crise sanitaire.

Afyren offre aux industriels des molécules biosourcées de substitution. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans l’aventure Afyren avec vos associés ?

C’était une conviction et l’envie d’apporter quelque chose de neuf, qui soit respectueux de l’environnement, qui ait du sens. On voulait répondre à un enjeu majeur : réduire notre dépendance au pétrole via l’innovation. L’idée de départ c’était un peu de faire rimer industrie et écologie.

Vous décrivez Afyren comme une entreprise “à l’écoute des nouveaux besoins de la société et de ses clients pour adapter au mieux sa stratégie et ses pratiques opérationnelles.” Quels ont été les nouveaux besoins de la société face à la crise du COVID-19 ?

La première prise de conscience c’est la valeur d’une industrie locale. Pendant cette crise, on s’est rendu qu’on dépendait de beaucoup de productions qui se trouvent à l’autre bout du monde. Ce qui était fort, c’est la relocalisation des industries. La sécurité alimentaire apportée par une industrie locale.

L’autre point c’est finalement une prise de conscience que l’humanité en général n’était pas immortelle.

On voit l’impact de cette épidémie et ainsi, à un moment donné, les choses deviendront incontrôlables si on ne réduit pas le réchauffement climatique.

L’écologie a aussi eu sa place lors de la crise. Par exemple, la réduction de nos déplacements a conduit à la plus grande diminution d'émissions de carbone jamais enregistrée, selon la BBC.

Pensez-vous que cette tendance va suivre ou se poursuivre dans les esprits des industriels ?

Je pense que cette prise de conscience était déjà là auparavant. Les industriels avaient conscience de l’impact et des enjeux de leurs business models par rapport à la planète. Cela ne va que s’accélérer avec le temps. On se rend compte qu’en changeant nos habitudes, on peut réduire les émissions de gaz à effet de serre, le résultat est indéniable.

Qui sont vos clients généralement ? Ont-ils changé suite à la crise du COVID-19 ?

Nos clients sont des entreprises internationales dans le secteur de l’alimentation mais aussi des acteurs de produits cosmétiques, d’arômes, de parfums ou la pharmaceutique.

Ce sont des industriels qui utilisent nos ingrédients pour des recettes particulières et la production de leurs produits finis.

Je pense que le COVID-19 les a rendus encore plus exigeants par rapport à leur sourcing et à la qualité des produits qu’ils vont proposer.

Une récente étude de 60 millions de consommateurs pointe du doigt des ingrédients potentiellement cancérigènes, voire polluants dans certains produits cosmétiques. Trouvez-vous que les industriels du secteur ne mettent pas tout en oeuvre pour respecter les réglementations à ce niveau ?

Selon moi, c’est une industrie qui est à la pointe de la qualité et de la recherche de produits respectueux de l’environnement. Je peux vous dire que les normes de qualité sont vraiment drastiques. Il y a un fort mouvement d’innovation, de recherche d’ingrédients plus verts et de plus en plus naturels.

D’autant que la réglementation en France et en Europe est très contraignante donc on ne peut pas faire n’importe quoi. C’est une bonne chose car cela permet de préserver notre santé et nous préserve de produits qui seraient faits dans des mauvaises conditions à bas coût. Avec Afyren, on peut justement leur présenter des produits qui soient bien sensibles à la santé de tous.

Dans une industrie et une consommation de masse comme celle de 2020, comment parvient-on à proscrire cet usage pétrolier dans la parfumerie, l’alimentation ou même le cosmétique ?

Cela passe par l’innovation et la volonté de trouver des alternatives. Il faut inventer d’autres ingrédients qui permettent aux sociétés qui vont les commercialiser de répondre à ces enjeux des clients.

Et puis il faut avoir envie, dans le secteur je peux vous dire qu’il y a une vraie responsabilité à ce niveau-là. Nous répondons finalement à ce besoin majeur de la société qui est de travailler différemment en lien avec la préservation de notre environnement.

Vous avez récemment convaincu 12 partenaires européens pour obtenir une subvention de 20 millions d’euros destinés à un projet de bioraffinerie. En quoi cette aide fera évoluer vos projets pour la suite ?

Elle nous a amené une souplesse financière qui nous a permis d’accélérer la mise en production et la mise sur le marché de nos produits. Egalement nous avons pu crédibiliser notre projet parce que ces sociétés qui font partie de ce consortium européen sont souvent leaders dans leur marché.

Ils sont souvent à la pointe de toutes ces thématiques d’amélioration.

Vous disposez déjà grâce au soutien de la Bpi d’une usine basée sur la plateforme Chemesis de Carling-St Avold en Moselle. Avez-vous vocation à en installer d’autres ?

Oui la Bpi nous a aussi beaucoup aidés dans le financement de cette première unité qui démarrera à partir de 2022. Nous allons bientôt débuter la construction. Mais ce n’est qu’un début car nous avons une vocation industrielle. Nous sommes déjà dans la réflexion suivante : comment allons-nous être capable de dupliquer notre technologie et la fournir à des clients au niveau mondial ?

Est-ce-que cette crise sanitaire du COVID-19 vous a poussé à changer vos perspectives ?

Pas vraiment car je pense qu’on répond très bien à la situation qui se pose aujourd'hui. C’est-à-dire que nous avons vraiment une stratégie axée sur le développement d’une industrie durable et locale, qui soit en phase finalement avec les besoins de la société en terme de consommation. Le COVID ne fait que renforcer l’approche dans laquelle on se trouve.