"Bonsoir". Pendant quarante ans, Frédéric Mitterrand apparaît occasionnellement à la télévision française avec ces mots immuables. Le précédent ministre de la Culture a mené mille vies, chacune marquée par une passion inflexible pour le récit sous toutes ses formes et pour le partage du patrimoine culturel avec tous les publics, dans des cinémas d’art et d’essai situés à la rue de Valois.

Frédéric Mitterrand a raconté l'histoire

Au moment de sa graduation à Sciences-Po, il était confronté à un dilemme dans ses jeunes années : devenir professeur d’histoire ou travailler dans le domaine du cinéma.

Le deuxième univers l’emporta en premier lieu. Frédéric Mitterrand a quitté l’enseignement à 24 ans pour prendre la direction du cinéma l’Olympique dans le quatorzième arrondissement, où il a assuré sa remise à flot. Il a acheté une salle supplémentaire, puis une autre, et ensuite plusieurs autres pour diffuser à la fois des grands classiques et des films de réalisateurs moins connus du public français comme Ingmar Bergman, Lamarr et Kurosawa Ozu.

En 1981, lors de la victoire électorale de son oncle François Mitterrand à l’élection présidentielle, il a également sorti son premier long-métrage intitulé Lettres d’amour en Somalie. Pour partager son savoir de cinéphile, il a lancé sa première émission télévisée « Étoiles et Toiles » sur TF1.

Les émissions Du côté de chez Fred, C’est votre vie et Caravane de nuit seront diffusées sur Antenne 2, suivies de documentaires sur les anciennes monarchies déchues et les célébrités du passé, ainsi que des programmes culturels sur Europe 1, où il s'était même confié sur son homosexualité au cours d'une séance, et France Culture.

Sa capacité à animer des débats avec art et son élégance nonchalante ont été récompensées par deux 7 d’Or. Il a été reconnu comme le meilleur animateur de débats en 1989, puis l’année suivante pour avoir présenté la meilleure émission de divertissement avec « Carte blanche à Frédéric Mitterrand ».Il a aussi essayé le journalisme et la rédaction de romans avec sa plume habile qui pouvait nous emmener dans des mondes oubliés.

La fin d'un fonctionnaire d'État et d'un grand conteur

Au crépuscule de sa vie, il se plaignait de ne pas être encore capable de choisir entre ses deux modèles, le général de Gaulle et François Mitterrand, ce dilemme intellectuel et affectif divisant sa famille. Il s’engagea en politique tout en restant fidèle à ses deux engagements.

En animant la saison tunisienne en France en 1995, l’année du Maroc en 1999 et la saison tchèque en 2002, Frédéric Mitterrand avait acquis une expérience institutionnelle avant de diriger la villa Médicis à Rome. Le 23 juin 2009, il a été désigné comme ministre de la Culture et de la Communication dans le gouvernement Fillon. Il a réussi à faire voter le difficile dossier de la loi Hadopi 2 et s’est engagé pour une totale transparence.

En acquérant des politiques muséales, il a réussi à réorganiser avec succès le ministère lancé par son prédécesseur Christine Albanel, participant à la construction de la Philharmonie de Paris ou du Mucem de Marseille. Musiques actuelles, livres numériques, cafés cultures, spectacle vivant, fête de la gastronomie française, il a soutenu un nombre égal de projets pour une « culture pour tous », une culture personnelle et quotidienne, disponible en français au plus proche de leur vie.

Le président de la République et sa femme disent bonjour à un fonctionnaire d’État ainsi qu’à un grand conteur du siècle, qui savait captiver nos esprits et nous faire rêver. Ils ont présenté leurs profonde tristesse à sa famille, proches, amis ainsi qu'à tous les spectateurs fidèles de ses émissions.