Au moment où vient de mourir Mohamed Ali, on se souvient de ce combat épique qui l'a opposé à George Foreman en Octobre 1974, à Kinshasa, dans l'ex-Zaïre, sur le continent africain. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'au chapitre des grands événements du 20ème siècle qui ont marqué l'Afrique, figure absolument le combat de boxe entre Mohamed Ali et Georges Foreman. Cet article veut rendre compte de la manière dont la Côte d'ivoire a vécu cet événement majeur.

 

Un événement d'une importance particulière pour la nation toute entière

Sur toute l'étendue du territoire ivoirien, l'événement a été annoncé en grande pompe, par voie de presse écrite comme par la radio et la télé. On savait alors que toute l'Afrique l'attendait exceptionnellement, comme on attend un trophée mondial ou un trophée continental. Jamais événement n'a suscité autant d'engouement, autant de passion, autant de joutes oratoires dans les villages, villes, quartiers et rues. Des paris les plus fous aux simples promesses, les échanges sur le sujet étaient enthousiasmants. Non seulement chacun ne voulait rater, pour aucune raison, l'occasion, mais encore on se donnait les moyens d'y parvenir.

 

La fièvre acheteuse des télévisions les mois qui ont précédé l’événement

Dans cette Côte d'Ivoire des années 1970 où on parlait du "miracle ivoirien", tout s'est passé comme si le moment était venu pour chacun de prouver son pouvoir d'achat. Trois mois avant l'affrontement entre Ali et Foreman, et jusqu'aux jours et heures précédant l'événement, une fièvre acheteuse s'est emparée de la population qui a pris d'assaut les commerces de vente de télévisions. Ainsi, les télévisions s'arrachaient comme des petits pains. Les commerçants avaient véritablement le vent en poupe.

 

Si on n'a pas les moyens de s'acheter une télévision, on se rend chez le voisin

Habituellement, dans les villes comme dans les campagnes, si on n'avait pas de télévision, on se rendait chez le voisin qui en avait une, pour suivre un film ou l'actualité.

Par exemple, dans mon village natal de Pass, dans la région de Dabou, tous les soirs, pour écouter un film, les habitants, jeunes et adultes se rendaient dans une concession où on possédait une télé. Le propriétaire de la télévision installait son appareil sur une table. La population s'installait à même le sol, pour avoir la télévision au dessus de tout le monde. Ainsi, chacun pouvait écouter la télé sans obstacle.

 

Le jour J : l'ambiance au village et dans les quartiers

Le jour tant attendu est arrivé. On a commencé par l'organisation de la soirée. Chez nous au village, on peut dire que les préparations ont débuté dans les deux écoles primaires. Ainsi, à l’École Primaire Publique de Pass, où j'étais scolarisée, pendant la récréation, on voyait les grands élèves des CM1 et CM2 se regrouper, et on les entendait organiser la soirée.

Ils dressaient la liste de tous les villageois propriétaires d'une télévision, pour se repartir sur les concessions. Au village, en fin de journée, le nom de Cassius Clay était sur toutes les lèvres. Les parents, qui étaient de retour des champs, s'activaient pour le souper afin de pouvoir se libérer plus rapidement pour aller assister au combat de boxe, où, d'avance, tout le monde donnait Cassius Clay vainqueur.

 

Le décalage horaire

Pour voir l'événement, il fallait rester éveillé jusqu'à 1 heure du matin, voire 2 heures du matin GMT. A partir de minuit, plusieurs parents sont rentrés à la maison pour dormir pour pouvoir aller aux champs le lendemain. Certains élèves ont fait le même choix. Pour les jeunes déscolarisés, il n'y avait pas d'enjeu.

Ils ont donc veillé avec d'autres adultes.

 

Ali, le plus Beau, le plus Grand, le plus Fort

Le lendemain, nous avons appris la victoire de Cassius Clay sur Foreman, ainsi que le refrain "Ali Bumaye !", "Ali, tue-le !" en Lingala. En définitive, on évoquait ce boxeur devenu légendaire de deux façons :

  • Mohamed Ali, le plus Beau, le plus Grand, le plus Fort !
  • Mohamed Ali, lui seul !