Enfin, le glaive brandi pour trancher la tête du monstre des violences sexistes en république de Côte d’ivoire ? C’est la question que tout le monde se pose depuis un documentaire diffusé sur la chaîne nationale de radio-télévision ivoirienne (RTI) le mardi 25 août 2020 dernier à 20H50 GMT. Ce soir là, un débat de haute portée intellectuelle s’est déroulé sur le plateau de la télévision nationale. Y ont pris part, un théologien, un sociologue, des juristes, des travailleurs sociaux, des acteurs de la société civile et des victimes.

Un reportage à la voix importante

Deux indices indiquent l’importance accordée à ce reportage. Il s’agit d’abord de l’heure de sa diffusion et ensuite de la qualité des intervenants. S’agissant de l’heure, le documentaire a été diffusé à 20H50, une vingtaine de minutes après le journal télévisé. Le choix d’une telle heure n’est pas fortuit car il s’agit d’une heure de grande écoute où l’audimat est boosté. Juste après les informations de 20 heures, la population était encore éveillée, pour suivre ce documentaire qui marque apparemment une rupture avec les habitudes, et un passage à une nouvelle ère, celle de la répression de l’ignominie. En clair, si ce documentaire qui annonce le changement de paradigme dans la gestion du problème sociétal qu’est la violence de genre a été projeté à 20H50, c’est pour prévenir les éternels récalcitrants, habitués aux éternelles excuses de « je ne le savais pas, je n’en avais jamais entendu parler.»

En effet, combien de fois, pris en flagrant délit de forfaitures aggravées, certains ont choisi la voie facile de l’évitement, arguant qu’ils n’étaient pas au courant des lois en vigueur, alors qu’en principe, « nul n’est censé ignorer la loi.

». L’heure de la diffusion de ce documentaire historique est une façon de mettre en garde celles et ceux qui se réfèrent à la bonne récitation de « je ne le savais pas » pour s’installer dans l’illégalité de façon commode.

Par ailleurs, la qualité des intervenants. Pour éclairer les consciences sceptiques, la RTI a fait appel à des experts en la matière, pour disséquer l’objet du débat : les violences de genre.

Et les débats qui s’en sont suivis ont été plus qu’édifiants. Pour ce qui concerne le documentaire en lui-même, disons qu’il en ressort que désormais, pour venir à bout du fléau des violences liées au genre, la Côte d’Ivoire actionne les deux pendants de la police, à savoir la police préventive et la police répressive. Et, c’est en cela que ce documentaire augure d’une nouvelle ère, porteuse d’espoir car cette lutte se veut holistique et son succès aura, à n’en point douter, des retombées certaines dans la sous-région de l’Afrique occidentale, ainsi que dans toute l’Afrique entière.

Une nouvelle ère porteuse d’espoir basée sur une lutte holistique des violences genrées

Le virage a 100 à l’heure que prend l’État de Côte d’ivoire dans la prévention et la répression des violences liées au genre fait naître de l’espoir à cause du caractère holistique de cette lutte. En effet, on le sait, et les débats du documentaire de la RTI l’ont mentionnés : les violences de genre sont un fléau tentaculaire voire multicéphale, multidimensionnel. Pour l’appréhender, plusieurs déterminants entrent en jeu : la culture, les coutumes, les traditions, l’éducation, la religion, la situation économique, le revenu financier, le statut social...etc., des bourreaux mais aussi ceux des victimes. En dehors de tous ces facteurs de risques aggravant le fléau, et qui sont communs à tous les continents, le cas spécifique du continent africain avec une faillite du système judiciaire assortie de la faillite des États a été mis au jour.

En effet, des victimes présents sur le plateau ont pointé du doigt l’impunité totale dont bénéficient leurs bourreaux. Faillite des États en ceci que selon le juriste Français Maurice Hauriou, la puissance de l’État est la pierre angulaire du droit administratif. Dit autrement, tout État tire son essence dans la force de son administration, c’est-à-dire, dans la mise en œuvre des lois qu’il s’est donné et qui le structurent. Or, dans le cas des États africains, les lois sont méconnues ! Tous les délinquants ne s’inquiètent de rien car ils savent qu’au bout du compte, c’est l’impunité ! C’est en cela que le réveil de l’État ivoirien dans la lutte contre les violences genrées, réveil bien que tardif, est porteur d’espoir et donc à saluer dans la mesure où, l’autre spécificité de l’Afrique sur les violences sociales renvoie une philosophie et une cosmogonie africaines fondées sur le stoïcisme.

L’État de Côte d’ivoire saisit le taureau par les cornes

L’État de Côte d’ivoire fait bien de saisir le taureau par les cornes en matière de lutte contre les violences genrées. En effet, sans l’intervention vigoureuse des États, en Afrique, les violences sociales de tous types ne sont prêtes de finir car elles reposent sur un substrat philosophique et cosmogoniques solide, à savoir le stoïcisme. Selon le dictionnaire français, le stoïcisme c’est une « Attitude morale caractérisée par une grande fermeté d'âme dans la douleur ou le malheur; attitude, caractère d'une personne stoïque. »

Ainsi en Afrique, la valeur de toute personne se mesure à l’aune de sa capacité à résister courageusement et vaillamment aux épreuves morales, psychologiques et physiques.

A ce sujet, en Afrique, tout ce que l’on trouve à dire à une femme fuyant les violences conjugales, c’est soit, « tu n’es pas courageuse », soit, « il faut que tu sois forte ! » Est-il besoin de le rappeler, c’est cette philosophie alimentée par une cosmogonie fondée sur le stoïcisme qui explique que les violences sociales soient nombreuses et récurrentes sur le continent noir ; et que selon la doctrine majoritaire en santé publique, les violences sociales soient la première cause de mortalité sur le continent. On le comprend bien, avec une telle cosmogonie et une telle philosophie, il n’y a pas de surprise devant la tolérance et l’indifférence générales à l’égard de tous types de violences y comprises les violences de genre.

D’ailleurs, les violences de tous types ne peuvent avoir que le vent en poupe. D’où, il est vraiment salutaire que l’État de Côte d’ivoire déclare à la guerre à un fléau très ravageur. Et si la Côte d’ivoire réussissait à relever ce défi majeur, cela ferait tâche d’huile sur le continent.

Les violences faites aux femmes en Afrique sont nombreuses, et se répercutent sur les enfants

S’il y a bien un fléau qui a de tout temps été préjudiciable à l’Afrique noire, c’est bien le fléau des violences sociales en général et particulièrement sa dimension sexiste. En Afrique, les violences sexistes ont un caractère misogyne car les femmes sont les plus grandes victimes de ces violences genrées.

Pour citer quelques exemples de tortures et de mauvais traitements fondés sur le genre visant les femmes mentionnons :

  • 1) la violence contre les Femmes en Famille : le repassage des seins, les relations sexuelles sèches, l’infanticide féminin, le travail forcé et la prostitution, l’inceste, le viol conjugal, la préférence pour le fils, la bastonnade de la femme.
  • 2) La violence contre les Femmes dans la Communauté : l’enlèvement, les violences sur les lieux de travail, la violence fondée sur la caste, le mariage précoce, la mutilation génitale féminine, le code vestimentaire forcé, l’alimentation forcée, le mariage forcé, l’assassinat d’honneur, le port de la plaque à la lèvre, le cou enserré dans des anneaux, la polygamie, le viol, le harcèlement sexuel dans le lieu de travail, la violence sexuelle, le trafic des femmes, la violence à l’encontre des femmes des zones rurales montagneuses, la violence a l’encontre des femmes sur les sites Web, le contrôle de la virginité, les rites de veuvage, la femme comme patrimoine héréditaire.
  • 3) La violence contre les Femmes par l’État : la torture et le mauvais traitement fondés sur le genre, le viol et la violence sexuelle, les réfugiées et les femmes déplacées, les femmes en situation de conflit armé, la violence contre le droit de la reproduction des femmes, la violence contre les femmes dans la prison, la violence contre les femmes migrantes. Le comble, c’est que les violences faites aux femmes ont des répercussions directes sur les enfants.

Des générations atteintes

Toutes les violences sexistes dont sont victimes les femmes ont des retombées directes sur leurs enfants.

Ainsi par exemple, des femmes battues, blessées et rendues invalides sont dans l’incapacité de s’occuper de leurs enfants en Afrique. Ces derniers vivent de mendicité dans les rues des grandes villes et plusieurs sont devenues des délinquants. Au XXIè siècle, en Afrique, la fuite des violences conjugales et des violences sociales est devenue la cause principale de l’immigration en générale et en particulier de l’immigration clandestine en Afrique. Fuyant les violences sociales, des femmes Africaines ont immigré dans les pays occidentaux, laissant derrière elles, en Afrique des milliers d’enfants qui vivent sans leurs génitrices !

Ainsi, immigrées clandestinement, et devenues des « Sans-papières », plusieurs femmes africaines ont revu leurs enfants mineurs qu’elles ont abandonnés après 15 ou 20 ans !

Abandonnés enfants, ce sont des adultes devenus parents à leur tour que les mères ayant fui les violences retrouvent 15-20 ans après. Le choc est terrible !

En définitive, en Afrique noire, une nouvelle population de vulnérables est née : les enfants vivant et grandissant sans leurs mères, privés d’amour maternel parce que leurs génitrices ont immigré dans les pays occidentaux pour fuir les violences conjugales, les violences sociales tout court ! Cela veut dire qu’aujourd’hui, la lutte efficace contre l’immigration clandestine passe par une lutte efficace contre les violences conjugales et tous types de violences sociales en Afrique.

Assurément, la décision que vient de prendre l’État de Côte d’ivoire de prévenir et de réprimer les violences genrées vont faire des émules.

En tant que locomotive de la sous-région ouest-africaine, le pays du cacao sera un modèle qui inspirera ses voisins de la CEDEAO. Ensuite, si elle relève ce défi majeur en venant à bout du fléau des violences genrées, en qualité de l’Éléphant d’Afrique, la Côte d’ivoire sera suivie par le reste du continent noir dans cette lutte on ne peut plus providentielle et salvatrice pour les femmes africaines.